Perret et Ruffin se connaissent depuis un moment et de par leurs parcours respectifs, ils étaient faits pour bosser ensemble. C’est parce que j’avais franchement aimé Merci Patron que je lance ce J’veux du soleil qui sent la chipo et le gasoil.
On est fin 2018, le mouvement des gilets jaunes bat son plein, prenant de vitesse à peu près tout le monde politique et médiatique. On voit Monique ou Jean-Jacques manifester pour la première fois, sans pancarte CGT ni carte de parti. Ce sont ces gens que Ruffin et Perret veulent rencontrer pour leur donner la parole. S'ensuit une pérégrination routière d’une semaine au gré des rond-points de France et de Navarre, en mode journalisme gonzo.
Si le projet Merci Patron était savamment préparé et scénarisé, ce n’est pas du tout le cas de ce coup de sang des deux camarades. Ils savent à peu près où ils vont mais ne savent pas vraiment ce qu’ils vont y trouver. Vingt-quatre heures de rush plus tard, il faut donner du sens à tout ça. Et c’est là que ça coince un peu. On notera, et c’est important, que je n’ai pas de sympathie particulière pour ce mouvement auquel je n’ai jamais appartenu pour plein de raisons. S’il a su dès le début exposer un malaise, il n’a jamais pu cerner d’où il venait et comment le monde politique était censé y répondre. Il n’a pas su formuler ses questions et s’est trompé sur les causes. Dès lors, les analyses contradictoires se sont succédé jusqu’à n’y rien comprendre, jusqu’au contresens, jusqu’à la manipulation. Et le film de Ruffin et Perret ne sera pas autre chose qu’un instantané d’un moment précis de la chronologie du mouvement. On y croise des gens au parcours chaotique, chahutés par l’individualisme libéral et la mondialisation paupérisante. Ces gens, ils se retrouvent devant les centres commerciaux et ils ne sont plus seuls. La liste des symboles fait peine à voir à vrai dire : rond-points, péages, le parking du Auchan. Nécessairement, les Champs Élysées sont absents du film. C’est pourtant un autre symbole intéressant. On saisit la détresse individuelle, parfois touchante, de ces vies difficiles. On capte aussi, même si on le savait déjà, le décalage entre un Macron robotique et mécanique, stoïque comme un imbécile impotent et buté, et celles qui ne mangent que grâce aux coupons de réduction de chez Carrefour. On voit tout ça. Et on le savait déjà. Moralité probable ? On manque de collectif. Chacun enfermé dans ses revendications catégorielles et dans la stigmatisation du voisin, le quidam citoyen avait oublié qu’il avait besoin d’un projet politique. « C’est notre projet » répond l’épouvantail, ne précisant pas qui est ce « nous » auquel le projet appartient. Dialogue de sourds. Six ans plus tard, à force de ne pas poser les bonnes questions et d’ignorer leur existence même, rien n’a changé. Ha si, la droite populiste et trompeuse n’a jamais été si forte. De là à y voir un lien …
Bref, pas désagréable mais pas abouti. C’est un témoignage direct qui parle au présent, un document pour plus tard.
>>> La scène qu’on retiendra ? Ces gens qui font des lotos pour acheter à bouffer, sérieux …