L'art féodal
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Les années 70 furent difficiles pour Akira Kurosawa, autant sur le plan personnel qu’artistique, le réalisateur peinant à retrouver son succès d’antan. Il eut ainsi du mal à mettre sur pied « Kagemusha », la Toho refusant de couvrir l’intégralité du budget. Il faudra l’influence de deux fans américains du cinéaste nippon pour boucler le financement : George Lucas et Francis Ford Coppola, qui parvinrent à convaincre la Fox de cofinancer le film ! « Kagemusha » fut alors un succès critique et commercial, relançant la carrière de Kurosawa.
Le film traite de Shingen Takeda, figure historique japonaise, et seigneur de guerre légendaire du puissant clan Takeda. Mais plutôt que de livrer un biopic, le réalisateur choisit une approche bien plus maligne : le film démarre sur la fin de sa vie, lorsque Shingen a trouvé un criminel qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Alors que Shingen reçoit une blessure mortelle, il demande à ses généraux de cacher sa mort, en mettant ce kagemusha (« guerrier de l’ombre ») à sa place. Une fantaisie historique, mais qu’importe tant elle est cinégénique !
« Kagemusha » pose ainsi la question de l’influence d’un seigneur, à tous les niveaux (politique, militaire, personnel, religieux…). Il montre que la simple image de celui-ci, voire le seul fait que le monde sache qu’il est encore présent, permet à son ombre de planer et a des répercussions draconiennes. Tout ceci est entre autres symbolisé par les actes du double, homme de basse condition tiraillé, car devant impressionner les puissants et aimer des gens qu’il ne connait pas. A ce niveau, Tatsuya Nakadai s’en donne à cœur joie dans ce double rôle énergique.
Comme souvent chez Kurosawa, la mise en scène est subtile et picturale, afin de traduire avec finesse ces enjeux. Intérieurs avec postures théâtrales des personnages évoquant des tableaux. Jeux de mouvements de corps et de regards couplés à des changements réguliers de caméra. Et des séquences militaires utilisant de manière récurrente les ombres, thématique du film. Sans compter un enchaînement assez impressionnant de costumes et de figurants, bien que ceux-ci soient légèrement sous-exploités (la bataille finale en contre-champs a quelque chose de frustrant !).
« Kagemusha » est donc une réussite, qui ouvrira la voie à l’excellent « Ran ».
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Créée
le 15 juin 2021
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