Il faut croire qu'il suffit d'une rencontre pour retrouver l'inspiration. C'est en tout cas ce qu'on pourrait en déduire en voyant les deux derniers films de William Friedkin. Bug et aujourd'hui Killer Joe sont deux adaptations de pièces de théâtre signées Tracy Letts. Et à y regarder de plus près, il parait évident que l'univers des deux créateurs ne pouvaient que fusionner. Personnages en marge, situations extrêmes, boussole morale envoyée au fond de l'eau,...le mariage parfait en somme. Et Friedkin est bien décidé à en soigner la célébration.
Avec cette histoire voyant Chris, un petit délinquant, tenter de rembourser une dette de 6 000 dollars en montant un plan tordu avec sa famille, le cinéaste culte de French Connection ou Police Federale Los Angeles frappe un grand coup.
Fidèle à sa réputation, il livre un film sec et sans concessions (et le terme n'est pas galvaudé ici). Partant sur les bases d'un thriller, on dévie rapidement vers un conte exempt de la moindre barrière morale. En résulte un malaise quasi-permanent qui pourtant se révèle fréquemment hilarant. Les protagonistes sont des exclus, au comportement aussi irresponsable qu'outrancier, mais à aucun moment William Friedkin ne se permet de les juger. Par conséquent, chacun déterminera si telle ou telle scène est choquante ou désopilante. Pour ma part, je choisis les deux options car l'une n'empêche pas l'autre. Friedkin cuisine la société et ses maux, et c'est un vrai régal. Les interprètes sont en transe (d'un McConaughey dément à un Thomas Haden Church tordant, en passant par la lumineuse Juno Temple), et les vingt dernières minutes sont absolument inoubliables (imaginez la Cène version trash). Un nouveau grand film à ajouter à la filmographie de son réalisateur.