Ne vous laissez pas abuser par le titre de Killer's Nocturne. Le film n'est pas un polar sombre comme on pourrait le croire mais un simple film de jeu vaguement mâtiner de rivalités entre triades. Les bases modernes du genre avaient déjà été posées par Wong Jing avec la série The Shell Game et le film Challenge Of The Gamesters. Killer's Nocturne ne cherche pas à innover et reprend une partie des codes du genre dont le personnage de roi du jeu interprété par Patrick Tse.
Le sérieux est ici de rigueur, on sent Nam Nai Choi s'appliquer à tous les niveaux. Il soigne sa reconstitution des années 30 (beaux costumes et décors), met en valeur ses acteurs (gros plans flatteurs fréquents) et déploie une réalisation aussi ample que possible (on est loin de The Cat !).
Mais ses efforts ne sont pas vraiment récompensés car il passe à coté de l'essentiel. Les parties de Mahjong qui rythment le film manquent cruellement d'intensité et de suspense. Nam Nai Choi ne parvient jamais à forcer l'intérêt du spectateur pour le jeu. Ca fait mal de le dire mais Wong Jing est bien supérieur dans ce registre. L'intrigue même manque aussi d'intérêt. Basée sur un cycle de vengeance, l'histoire se déroule trop paresseusement pour passionner. Nam s'attarde sur des éléments narratifs accessoires (le personnage de Shing Fui On) au lieu de travailler à améliorer le rythme du film. L'excellence des acteurs et la bonne tenue technique de l'ensemble permettent de rester devant Killer's Nocturne sans trop s'ennuyer mais la passion est absente.
Heureusement ! La touche Nam Nai Choi va commencer à produire ses effets, comme un grain de sable dans une mécanique trop bien huilé. Et d'un seul coup, Killer's Nocturn passe du statut de film poliment ennuyeux à celui d'œuvre culte.
On retiendra surtout deux grands moments :
- Grand moment numéro un.
Le combat contre un kangourou. C'est bien sur le sommet bis du film. On ne sait pas bien comment l'équipe a pu dégotter l'animal et quel esprit dérangé a eu l'idée d'en faire un boxeur mais en tout cas le réalisateur est sérieux comme un pape quand il filme la scène. Cette capacité à faire du n'importe quoi le plus sérieusement du monde est la marque des grands ! Le reste se passe de commentaires et ne peut être appréhendé qu'une fois visionné. Saluons juste le courage et la sérieux de Chin Siu Ho, qu'il soit en train d'enlacer l'animal ou d'affronter ses redoutables pattes en plastique.
- Grand moment numéro deux.
Un final dantesque. Un combat qui le précédait et qui se terminait par un égorgement au 45 tours l'annonçait mais pour sa scène de fin, Nam Nai Choi se lâche complètement. Chin Siu Ho arrache une oreille avec les dents, le sang dégouline à flots, les cascadeurs traversent les murs, le décor prend feu... Pour un peu, on se croirait dans The Story Of Ricky ! Certains de ces débordements (l'oreille tout particulièrement) font tomber la séquence dans le bis mais il faut reconnaître que celle-ci marche plutôt bien au premier degré également.
Un bon moyen de terminer en apothéose ce Killer's Nocturne !