Avec la sortie de son 27ème long-métrage signant ses 50 ans de carrière, plus personne n'a besoin de présenter Martin Scorsese et les nombreux très grands films que ce dernier a réalisé. Taxi Driver, Raging Bull, After Hours, Les Affranchis, Casino… autant de films devenus des classiques pour la plupart et dont les plus récents le deviendront certainement à l'avenir. Francis Ford Coppola a dit lui-même qu'il est le plus grand réalisateur encore en vie et bien que le compliment puisse paraître évident dû à leur amitié, il est clair que Scorsese est un des rares cinéastes avec une filmographie aussi riche, impressionnante et influente sur le cinéma mondial. Avec l'ampleur de son précédent projet, il était possible de penser que The Irishman serait son dernier film mais avec Killers of the Flower Moon, Scorsese déploie d'autant plus l'importance du cinéma et l'unicité du sien à travers ce qui semble être l'accomplissement ultime de sa filmographie : un film touchant aussi bien au genre du western (genre qui l'a toujours fasciné), du drame que du polar autour de la mise en lumière d'une contre Histoire de l'Amérique sur la terrible quête du pétrole dans l'état de l'Oklahoma.


Se basant sur l'oeuvre non-fictionnelle du même nom écrit par l'auteur et journaliste David Grann, Scorsese et Éric Roth font pourtant le choix de retirer l'enquête de Edgar J. Hoover (premier directeur du FBI) sur les meurtres commis envers la tribu des Osages comme élément central du récit afin de capturer à la place toute la violence et l'ambiguïté de ces derniers à l'intérieur de l'intimité d'un couple, d'une famille à cheval entre deux civilisations. Killers of the Flower Moon ne veut donc pas du tout jouer la carte du suspens mais plutôt de raconter pourquoi ces meurtres ont été commis. En déjouant d'emblée les attentes, Scorsese détourne constamment les genres dans lesquels sa narration aurait pu inutilement s'ancrer ; loin des grandes fusillades et des courses-poursuites, le film s'avère être une pure tragédie sur la cupidité humaine et sur un peuple qui raconte sa propre histoire, ce qui est forcément une bonne chose car le cinéaste donne la parole à une population marginalisée afin de les sortir des stéréotypes méprisants auxquels ces derniers ont été rattachés par le passé.


Mais autour de cette grande fresque historique reconstituant avec une précision redoutable dès la séquence d'ouverture les décors et costumes d'époque, c'est également dans sa lenteur hypnotisante que Killers of the Flower Moon trouve une de ses plus grandes forces. En transformant le temps en un poison qui agit lentement sur le spectateur et les personnages à mesure que le récit avance, le cinéaste observe non seulement l'extinction progressive d'un peuple qui a signé son propre arrêt de mort avec la richesse et l'opportunisme des américains mais le raconte surtout avec un contraste nécessaire aux codes classiques de la narration hollywoodienne contemporaine. En tant que seul maître de son œuvre, depuis Le Loup de Wall Street, Scorsese ne semble plus se concentrer sur ce que les spectateurs attendent de ses films, l'idée étant - au-delà de la conservation d'une liberté créatrice - de commencer à voir ce que pourrait être réellement SON cinéma.

Luca-hiersDuCinema
8

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Pour le meilleur comme pour le pire en 2023 et Cannes 2023

Créée

le 25 oct. 2023

Critique lue 25 fois

Critique lue 25 fois

D'autres avis sur Killers of the Flower Moon

Killers of the Flower Moon
Magelan89
8

L'or noir qui corrompt les âmes faibles et séduit les démons

Encore une Amérique aux multiples nuances, avec ces Indiens Osages, et ces visages pâles qui les observent dans ce western moderne. Pour une terre où bientôt coulera des pluies d'or noir dans leurs...

le 30 oct. 2023

196 j'aime

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

193 j'aime

17

Killers of the Flower Moon
Plume231
6

Or noir, âmes noires !

Robert De Niro et Leonardo DiCaprio, sous la direction de Martin Scorsese. Le réalisateur dirige enfin ses deux acteurs fétiches dans un seul et même film... Là, il ne fallait pas m'en jeter plus...

le 19 oct. 2023

68 j'aime

10

Du même critique

The Batman
Luca-hiersDuCinema
8

Batman est plus bre-som que le plus noir de tes rappeurs

Le film de Matt Reeves n'est pas seulement le signe d'un souffle nouveau par une énième adaptation. The Batman est le signe d'une renaissance du chevalier noir au cinéma.Avec un traitement esthétique...

le 12 avr. 2023

5 j'aime

2

Pleasure
Luca-hiersDuCinema
5

Thérapie pornographique

Pleasure, titre particulièrement paradoxal pour un film présentant un exact contraire du plaisir sexuel, allant même jusqu'à un profond sentiment de dégoût par les horreurs physiques et...

le 12 avr. 2023

5 j'aime

2

Avatar - La Voie de l'eau
Luca-hiersDuCinema
3

Mes amis les Schtroumpfs

Dans le paysage du blockbuster hollywoodien contemporain, James Cameron est un nom vendeur et de confiance. Considéré comme le nouveau génie d'Hollywood avec les succès de Terminator et Aliens et...

le 12 avr. 2023

3 j'aime