A 80 ans au compteur, Martin Scorsese n'en a visiblement plus rien à faire du commercial. Pondre un western dramatique à 200 millions de dollars de budget, durant 3h26, à l'heure où presque tous les projets originaux se plantent en salle, c'est du suicide financier. Mais heureusement, notre homme est encore très intéressé par le grand cinéma.
"Killers of the Flower Moon" se déroule après la Première Guerre Mondiale, en Oklahoma. La ruée du pétrole a rendu très riche le peuple Osage, propriétaire des terres. Terres qui ne peuvent être ni vendues, ni cédées, seulement héritées. En résultent de nombreux mariages intéressés, et des meurtres visant à faire main basses sur ces richesses...
Je ne vais pas y aller pas quatre chemin : c'est du tout bon. Photographie nickel, reconstitution d'ampleur (pour ceux qui se demanderaient où est allé le budget !), mise en scène précise et ambitieuse. Et thématiques virulentes, pointant du doigt la violence et les injustices sur lesquelles un Pays s'est établi.
Les acteurs sont excellents. Robert De Niro, dans l'une des ses meilleurs prestations récentes, incarne un patriarche faussement apaisant et compréhensif. Qui dévoile vite une raclure de première.
Leonardo DiCaprio incarne un benêt revenu de la guerre, appâté par le gain, mais également sincèrement amoureux de celle qu'il épouse. Clairement le personnage le plus intéressant du film, car le plus complexe, tiraillé, et surtout brumeux. L'acteur maintient l'ambiguïté sur le niveau de manipulation qu'il subit, et sur sa sincérité avec sa femme.
Révélation du film, Lily Gladstone donne un vrai corps à l'ensemble, avec sa prestation aussi posée que rayonnante. Je souhaite à l'actrice de voir sa carrière décoller !
Avec en prime un très bon Jesse Plemons, et des petites rôles agréables : Brendan Fraser (!) ou John Lithgow. Martin Scorsese se permet quant à lui un caméo très étonnant, probable (et élégante) référence à
Cecil B. Demille dans "The Ten Commandments".
Si cela devait être son dernier film, il s'agirait d'une très belle porte de sortie !
Enfin, le réalisateur peut compter sa fidèle monteuse de génie, Thelma Schoonmaker. Car si le film est un sacré morceau à digérer, et relativement lent, je ne suis jamais ennuyé. Les informations, personnages et sous-intrigues sont distillés à très bon escient. Et l'on a même des montages parallèles et télescopiques qui dynamisent l'intrigue tout du long.
"Killers of the Flower Moon" est ainsi une nouvelle pièce d'orfèvrerie cinématographique, d'un réalisateur que l'on espère voir encore durer !