Killers of the flower moon est un des événements cinématographiques de cette fin d’année. Voir Leonardo Di Caprio et Robert De Niro occuper l’affiche d’un film réalisé par Martin Scorcese ne peut qu’éveiller la curiosité. J’ai trouvé la bande-annonce très réussie. Sans trop en dévoiler, elle présentait une thématique originale dans une époque intrigante au milieu d’une communauté peu connue. De plus, les critiques qui ont accompagné sa sortie en salle s’avèrent plutôt élogieuses. Bref, je ne voyais aucune raison de ne pas aller le découvrir en salle !
Le film nous plonge au milieu d’une communauté qui fait cohabiter indiens et blancs. Les premiers sont propriétaires sur leurs terres de gisements de pétrole. Cela fait d’eux des rentiers. Les blancs sont donc dépendants économiquement de cette population qu’ils jugent pour beaucoup inférieure à eux. C’est dans ce climat social qu’Ernest revient de la guerre. Il est accueilli et hébergé par son oncle William Hale, propriétaire terrien local important. Lorsque Ernest épouse Mollie, une osage, l’équilibre entre les différents habitants va s’en voir impacter et chambouler…
Le film nous propose une chronique sur plusieurs années. On découvre comment le ver déposé dans le fruit va se développer et pourrir une communauté pour le seul profit d’une autre. On suit des destins individuels qui impactent celui d’une famille pour aboutir à l’anéantissement d’une collectivité. Les trois heures et demie permettent de ressentir la montée en puissance vers l’issue inéluctable de ce terrible mécanisme mis en place par une poignée de personnes avec l’assentiment passif d’un grand nombre de leurs congénères…
Malgré une galerie de personnages secondaires de grande qualité, l’intrigue se construit autour d’un trio : Ernest, Mollie et William. Ils sont respectivement interprétés par Leonardo Di Caprio, Lily Gladstone et Robert De Niro. Les deux acteurs masculins sont des habitués des réalisations de Martin Scorcese. Ils font une nouvelle fois étalage de leur talent. Leur mano a mano est exceptionnel. La relation entre eux est d’une force et d’une intensité oppressantes. Mais que dire de la performance de Lily Gladstone qui arrive à tenir tête à ses acolytes masculins ? Son aura et son charisme illuminent l’écran. Elle prend une place importante dans l’histoire et semble être la seule à être en état de résister au rouleau compresseur piloté par son mari et son oncle.
L’intrigue se déroule intégralement dans cette petite ville. Ce choix narratif permet de s’approprier les lieux, de s’immerger dans le quotidien de cette vie de cohabitation instable entre deux communautés qui s’observent en chiens de faïence. Cette dimension sociale est réaliste. Elle dégage une jolie force qui sublime l’intensité dramatique de l’intrigue. La qualité des décors propose un beau terrain d’expression à des acteurs et actrices remarquables du premier rôle à la plus petite des apparitions. Le casting est exceptionnel de mon point de vue.
Le film ne nous invite pas uniquement à un voyage sociétal et géographique, il nous fait également voyager dans le temps. Cette époque m’était jusqu’alors inconnu. Les conflits et les dilemmes nés entre les amérindiens et les blancs construits sur la jalousie, le pouvoir et le mépris m’ont profondément touché. Le choix d’étaler la trame sur une période longue et d’offrir le temps au spectateur de se familiariser avec la situation, de s’en approprier les enjeux et enfin d’en découvrir l’irrémédiable issue est une idée remarquable. Mon implication émotionnelle a été totale. Elle n’a cessé de croître au fur et à mesure du déroulé du scénario. J’avais le sentiment d’être au côté des protagonistes, de partager leurs craintes, leurs espoirs et leurs souffrances. Killers or the flower moon prouve qu’il est possible de générer une histoire dramatique et intense sans pour autant négliger la dimension historique et sociétale qui l’accompagne.
La machination est habilement mise en place sur le plan narratif. La toile s’étend au fur et à mesure puis se resserre. Le scénario est bien construit. La tension ne cesse de croitre en parallèle de l’investissement que met le spectateur dans l’histoire. Sur ce point, la durée est incontestablement un atout pour le film. Elle offre une place importante pour la construction de personnages complexes. Les zones d’ombre de chacun sont alimentées régulièrement. On devine des cadavres dans les placards au fur et à mesure du déroulement des événements. Bref, du beau travail !
Vous l’aurez compris, je suis tombé sous le charme de ce film. Dès la première minute, je me suis passionné pour cette grande fresque dans laquelle navigue des personnages joliment écrits aux destins pas faciles. La trame est dense et pleine de rebondissement. Ma curiosité n’a jamais cessé d’être alimentée. Même si ma critique parait quelques mois après sa sortie en salle, je ne peux vous conseiller d’aller rencontrer cette communauté osage. Vous n’en sortirez pas indemnes…