Yorgos, l'homme qui tire parfois (souvent ?) à blanc

Les intrigues de films doivent-elles forcément avoir un sens ? Un cheminement articulé ? Un aboutissement ?

Je ne sais pas. Je ne pense pas. Malgré tout, il y a quelque chose dont je suis certain : si je ne perçois pas de finalité dans le dispositif qu'on me propose, moi je n'y vois juste pas d'intérêt. Je me barbe rapidement. Ça m'expulse.


Donc je vais mettre tout de suite les choses au clair : il ne s'agira pas ici de renier le talent de l'ami Lantimos pour ce qui est de produire de la belle image ; pour poser des atmosphères ; pour entretenir des malaises. L'homme est doué sur tous ces points, je ne contesterai ça en rien.

Mais par contre, ça mène à quoi tout ça ? Ça conduit où ? Ça procure quoi ? Sur ce point, moi, je m'interroge. Ou plutôt non, je ne m'interroge pas.

Après être passé par The Losbster et la Mise à mort du cerf sacré, je ne m'interroge même plus. J'y vois juste une nouvelle farce absurde. Un exercice d'esthète gratuit et gratifiant pour son auteur mais qui n'entend jamais être mené jusqu'à son terme.

Encore une fois, voilà un film qui s'achève sur une nouvelle dérobade ; trois dérobades même puisque, cette fois-ci, le bon Yorgos n'aura même pas voulu pousser l'effort jusqu'à construire une intrigue visant à tenir tout le temps d'un long métrage. À la place, trois moyens métrages qui n'ont que pour seuls liens entre eux leur casting (prestigieux certes), éventuellement une thématique commune autour des relationnels faussement bienveillants, mais sans aller au-delà. Sans rien de plus...

Et vraiment ça m'emmerde.


Ça m'emmerde parce qu'il est quand même doué le Lantimos. Sur les seules premières minutes, j'étais déjà à fond dedans, intrigué comme jamais. Et puis, au fur et à mesure que les minutes se sont égrainées, j'ai fini par comprendre. J'ai notamment fini par comprendre qu'il n'y aurait rien à comprendre. Le seul enjeu allait tenir au simple enchaînement de contrepieds, de contre-attentes, de décalages moraux. Alors forcément, étalés sur trois intrigues, le tout sur presque trois heures (et alors que Yorgos Lantimos nous a déjà fait le coup dans deux autres films), moi ça m'amène à soupirer ; à sortir du trip.


Désolé mais moi, j'y vois une lâcheté. Encore une fois, on n'est pas obligé de faire une intrigue qui produise du sens ou du discours, mais par contre je considère qu'a minima un artiste se doit de questionner la finalité des artifices qu'il mobilise.

On ne fait pas un film pour soi. Ou alors si, on peut le faire égoïstement, mais dans ce cas-là qu'on ne s'étonne pas si le spectateur ne s'y retrouve pas.


Alors après, bien évidemment, tout ce que je dis ne vaut que pour moi. Si certaines ou certains s'y retrouvent là-dedans, tant mieux pour eux.

Après tout, c'est vrai qu'on peut considérer plus stimulant le fait de regarder un enchaînement de farces absurdes mais élégantes plutôt qu'une énième production formatée. En vrai, c'est un argument que j'entends.

Seulement, en ce qui me concerne, j'avouerais qu'au bout de trois films selon ce format, j'en viens moi-même à considérer les farces de ce bon Yorgos comme étant elles-mêmes formatées ; formatées qui plus est par un esprit que je n'aime pas trop : celui de l'auteur qui parle pour ne rien dire ; qui produit de la forme pour de la forme ; qui n'existe qu'à vide.


Pour ma part, je crois qu'en ce moment on a déjà suffisamment de représentants de cette culture de la forme à vide pour se contenter que vienne s'y joindre un nouveau parangon.

Yorgos Lantimos a du talent, alors – que diable ! – qu'il nous le rappelle en cessant de forger ce genre de pièges à cons.

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le 27 juin 2024

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