Skadoosh !! Dreamworks traverse une sévère crise et a donc la bonne idée de relancer une de ses sagas les plus populaires, Kung Fu Panda, dans l’espoir de démarrer une nouvelle trilogie. Les quatrièmes volets vont rarement de pair avec le cinéma d’animation car ils arrivent la plupart du temps bien après que la hype soit passée. De manière plus générale, les licences d’animation ont souvent eu tendance à accoucher de la suite de trop : Hôtel Transylvanie, Shrek, L’Âge de glace… les films sont au mieux sympathiques, au pire ennuyants. Un certain Mike Mitchell s’occupe en partie de la réalisation de la reprise des aventures de Po, il était déjà en 2010 celui derrière l’inutile et inintéressant Shrek 4 – Il était une fin. Le projet devenait moins enthousiasmant malgré la surprise et l’engouement qu’avait créés la suite du spin-off de Shrek centré sur Le Chat Potté. Juste avant la sortie, une membre de l’équipe s’est exprimée sur de nombreux problèmes de production, lorsqu’on couple ceci au budget moins important que celui des trois films précédents, il n’est pas étonnant d’obtenir un tel résultat. Ce quatrième volet est en effet beaucoup moins ambitieux et par extension moins marquant mais en est-il désagréable pour autant ? La réponse est non mais se reposer sur la facilité parce que l’argent viendra quoiqu’il arrive est embêtant.
Attention spoilers mais qu'y a-t-il à spoiler
J’ai rarement senti autant de paresse dans les visuels d’un blockbuster d’animation. Le Chat Potté 2 avait surpris en partie grâce à son animation rafraîchissante qu’il avait sans doute empruntée à Into the Spider-Verse. Un côté peinture, des couleurs vives qui décollent la rétine et une avalanche d’effets rendant le spectacle plus sensationnels, tant d’éléments que nous ne retrouvons pas dans ce Kung Fu Panda 4. J’ai pour habitude d’encenser l’animation dans mes avis sur les films récents, il faut dire que l’offre est de ce côté souvent généreuse, surtout depuis que les studios ont découvert en 2018 qu’il était possible d’adopter un autre style que la 3D photoréaliste. Dreamworks cède malheureusement à la paresse artistique et l’animation constitue ici un retour des années en arrière, il n’y a pas grandes différences entre cet opus et les autres alors que le dernier souffle sa huitième bougie. Ce n’est pas laid, c’est plus propre que certaines bandes-annonces qu’on peut voir au début de la séance mais aucun visuel n’est particulièrement accrocheur. Le souci majeur est la pauvreté des décors qui sont d’un triste vide. Le seul effet un minimum notable est l’arrière-plan qui devient uni lorsque les personnages s’élancent, c’est plutôt léger.
La force de la saga réside dans sa capacité à transposer les arts martiaux dans l’animation afin de nous offrir des séquences d’action endiablées. Parmi les licences populaires elle était il me semble la seule à le faire avant que Ninja Turtles : Teenage Years arrive. Des animaux qui font du kung-fu était une idée qui me plaisait beaucoup et j’ai pu constater lors d’un marathon il y a quelques années que les scènes d’action dans la saga étaient une franche réussite. Les chorégraphies jouissives utilisent parfaitement les caractéristiques des personnages pour un résultat dynamique et impressionnant, l’animation fait prendre moins de risques aux cascadeurs donc les équipes pouvaient tout se permettre. Le découpage est toujours aussi agréable dans ce quatrième volet, les séquences d’arts martiaux sont entraînantes à défaut d’être marquantes. L’ajout d’un successeur à Po aurait pu apporter une dynamique de 2v1 qui ne me paraît pas assez exploitée. Il reste tout de même un soupçon de créativité pendant la scène de l’auberge à deux doigts de tomber, les réalisateurs jouent alors sur la gravité pour ajouter un peu de piment à l’ensemble. Les plusieurs métamorphoses du Caméléon en un seul plan redynamisent l’action mais ils auraient pu aller encore plus loin pour un résultat plus épique. L’emploi de mouvements de caméra rappelant l’excellent film de science-fiction Upgrade de Leigh Whannell est un bon ajout lors du final.
Le personnage de Po a toujours bien porté la saga et fort heureusement il la porte encore. Il a eu au fil des films une évolution significative, il a réussi à devenir le Guerrier Dragon alors qu’il n’avait pas la tête de l’emploi, il a gagné en sagesse et en compétences sur les bons conseils de son maître Shifu. Sa maladresse et son intelligence parfois limitée en font un protagoniste amusant auquel le spectateur s’attache facilement. Cette suite n’a pas grand-chose à raconter cependant elle arrive à conserver l’intérêt pour Po puisque son parcours est ce qui est le plus réussi. Il passe l’étape supérieure dans son statut de Guerrier Dragon en devant trouver un successeur, la thématique centrale du film est alors l’héritage. Le panda se questionne légèrement sur l’empreinte qu’il va laisser et toujours grâce à la sagesse de Shifu il va apprendre à savoir laisser sa place. Simple mais efficace, ce n’est pas développé en profondeur mais cela a le mérite d’exister et d’habiller le récit.
Celui-ci n’est pas vraiment palpitant à vrai dire. Il se permet une sous-intrigue qui allonge artificiellement un long-métrage pourtant assez court. La nouvelle venue, la renarde Zhen, peut compter sur une bonne alchimie avec son mentor mais elle demeure anecdotique, je n’attends pas avec impatience de la revoir. Il en va de même pour Le Caméléon qui doit succéder à deux des plus grands méchants d’animation (Taï Lung et Shen) et probablement les meilleurs de Dreamworks avec Le Loup du Chat Potté 2. Elle passe malheureusement plus de temps à se reposer sur l’héritage de la saga qu’à être marquante et se développer une personnalité propre. Il est dur de créer des antagonistes aussi forts que le paon et le léopard, les faire revenir dans l’idée d’un fan-service gras à la No Way Home ne me paraît pas être une bonne solution. Ils n’avaient rien à faire ici, ils perdent clairement en charisme puisqu’ils sont présents dans l’unique objectif de rendre la méchante plus puissante en se faisant humilier. Les réels grands absents du film sont Les Cinq Cyclones qui apportaient vraiment quelque chose, ne serait-ce que dans leur manière de se battre. Il parait que le casting vocal est trop coûteux, Dreamworks a dû oublier qu’il était possible de prendre des doubleurs avec des voix similaires. Quoi qu’il en soit, ils manquent au film, leur absence se fait clairement ressentir (je suis juste triste en vérité de ne pas voir Tigresse la meilleure).
Le temps passe, les films s’enchaînent et Le Chat Potté 2 reste au sein de Dreamworks une exception plus que la révolution dont le studio avait besoin. Ce Kung Fu Panda 4 en est une preuve supplémentaire, les familles et les fans de la licence tels que moi passeront un moment correct, il a la chance d’être sorti à une période de l’année durant laquelle il ne connaît aucune concurrence. Inutile est ce qui décrirait le mieux le projet, l’attente pour la suite de la nouvelle trilogie ne sera pas insoutenable. Le studio créé en partie par Steven Spielberg a encore du chemin pour retrouver son prestige d’antan, cela dit leur prochaine œuvre titrée Le Robot Sauvage est plutôt alléchante et pourrait bien créer la surprise.