Un film qui m'a touché du début à la fin, ce qui est très rare pour être souligné. Le duo Laverhne/Bercot est vraiment excellent, et leur évolution au fil des années est plutôt bluffante.
J'avoue ne pas beaucoup connaitre l'histoire de l'abbé Pierre, et il est un exercice périlleux de résumer toute sa vie dans deux heures et quelques de films.
Sa philosophie force le respect, quand bien même semble t'elle être facilement attaquable (et il le sera de toute part), notamment en accueillant "n'importe qui" (sic) dans ses communautés, mais est pourtant totalement raisonnable. Au lieu de nous montrer un abbé Pierre qui ne plie devant rien, on nous le montrera avec ses failles, avec ses doutes, notamment avec son passé de résistant, où il a vu des choses horribles, et quelques autres qu'on pourrait lui imputer. Et notamment une scène de relation sexuelle remarquée, qui paraitrait limite déplacé dans un film sur l'abbé Pierre. Mais c'est ce qui le rend d'autant plus humain, malgré sa figure mythique, et son altruisme quasi-surhumain. Il restera toujours droit dans ses bottes, rejetant la haine de tout bord, même envers les collabos. Car même s'il semble tout gentil comme cela, il a aussi du répondant, notamment en répondant un laconique "ta gueule" à Jean-Marie Lepen, car "il n'y a pas de temps à perdre avec la bêtise".
On y décrit un homme intransigeant, qui a en quelque sorte réponse à tout, avec une bienveillance infinie. Ses préceptes ne sont pourtant pas compliqués à mettre en place ou à respecter, mais sans lui c'est tout un monde qui s'effondre, comme s'il fallait nécessairement une personnification de l'altruisme pour qu'il puisse exister.
Je m'emporte un peu sur ma fascination et le respect que j'ai pour cet homme et de sa philosophie, et j'en oublie de parler du film en lui-même. On pourrait notamment saluer la bande originale composée par Bryce Dessner, qui reste assez discrète mais garde une certaine force émotive. Le film réussit à passer de scènes intimistes, avec des discussions presque ordinaires, à des moments plus forts, comme ses discours médiatiques, voire des scènes spectaculaires pendant la seconde guerre mondiale.
Fréderic Tellier arrive à offrir un film au ton très juste, moins grossier et manichéen que Goliath son précédent film. Benjamin Laverhne arrive à porter son personnage de bout en bout, sans fausse note, avec la hargne et la gentillesse cohabitant.
Bref, un très beau film, très touchant, sur la bienveillance universelle d'un homme, qui croyait en un monde fraternel, quoi qu'il en coute. Dans un monde encore fortement impacté par la crise du logement, les guerres, la haine... tout ce qu'a essayé de construire l'abbé Pierre, pour combattre la pauvreté et la division au sein des peuples, semble être juste un délire utopique. Néanmoins, il semble n'y avoir aucune autre issue, et quand bien même la tâche semble ardue, nous sommes contraints d'y croire et de participer à ce dessein.
(Vu le 10 novembre 2023 au cinéma)
On en parle dans le Ciné-florg #62