Sorti en juillet 2019 aux États-Unis, The Farewell est qualifié de « film de l’année » par le magazine américain Rolling Stone. Il sort cependant en France en ce début de décennie, accompagné d’une puissante communication.
Déjà, peut-on vraiment dire objectivement que The Farewell est le meilleur film de l’année, sachant que Parasite est sorti la même année ?
D’entrée, Lulu Wang donne le ton : « based on an actual lie ». La réalisatrice confesse s’être inspirée de son vécu, d’un vrai mensonge familial. On ressent l’approche autobiographique de Lulu Wang durant l’entièreté du long-métrage avec son regard suspendu dans le film à travers le personnage de Billi (interprétée par l’étonnante Awkwafina) à la fois désillusionnée et révoltée.
Les flous mensongers
Le film s’inspire d’un mensonge commun, qui dissimule des mensonges individuels. Dès le départ, au téléphone avec Billi, Nai Nai ment à sa petite-fille en ne lui révélant pas qu’elle se trouve à l’hôpital. Billi omet de dire à son père qu’elle ne touchera pas de bourse. Chacun ment pour protéger autrui ou pour se protéger. Des petites pièces de mensonge qui s’assemblent progressivement pour former le puzzle de l’« actual lie ».
Et ces mensonges couplés à un sentiment de doute se traduisent par une omniprésence de plans autour d’une table circulaire où les attablés sont dans le flou. Il ne s’agit pas seulement de simple focus, mais reflètent véritablement les émotions des individus de cette cellule familiale.
Des silences étourdissants aux violons cérémonieux
Le grand point fort du film se trouve dans sa gestion des sons, tant musicaux qu’abandonnés. Chaque silence a son importance dans la mesure où il est le défenseur du vrai mensonge.
Quant à la partition musicale, elle permet de pénétrer dans l’ambiance si particulière du film.
En fait, le métrage est très intéressant car dans sa lenteur, il est haletant. En effet tout le long du film, on attend le moment de vérité.
Ce moment de vérité ne se produira pas.
L’ensemble musical ressemble à un bref chemin vers la mort et il est le reflet de l’adieu.
Le choc des cultures
Le sujet traité au-delà de la famille est la culture. Des diverses cultures naissent des différends, mais les racines communes de chacun (incarnées par la voix de Nai Nai) viennent pacifier le tout.
Billi a du mal à comprendre le choix de la famille qui consiste à cacher la vérité à la grand-mère. Billi ne comprend pas « Isn’t it wrong to lie ? », le médecin l’apaise « It’s a good lie. ».
La mère de Billi lui rappelle le dicton chinois disant que ce n’est pas le cancer qui tue, mais plutôt la peur qu’il engendre.
Enfin, Nai Nai souhaite être enterrée et non pas incinérée puis balayée par le vent dans la mer puisque la tradition veut que l’on retourne à la terre en mourant.
La famille
Mais avant toute chose, cette histoire tourne autour de la Famille. Une famille chinoise qui s’est séparée il y a 25 ans pour aller vivre au Japon pour certains, aux USA pour d’autres et qui se retrouve pour un mariage prétexté autour d’une grande table où la nourriture ne manque pas. Il y a une forme de sacralisation de la famille, symbolisée par le propos du frère confiant que chaque individu appartient à un tout (la Famille) qui n’est pas sans rappeler Les Raisins de la Colère « On n’a pas une seule âme. On est un morceau d’une grande âme qui appartient à tout le monde. »
The Farewell émeut par sa pudeur et sa finesse, intrigue par son traitement du mensonge mais n’est pas le film de l’année.