"L'affaire Maurizius" est adapté d'un roman de Jakob Wasserman, écrivain allemand, à son époque, semble-t-il, renommé, dont l'œuvre fut interdite par les nazis puis tombée dans l'oubli. Le livre dont est inspiré le film relate un fait divers à l'origine d'un scandale judiciaire et fut un best seller en 1928.
A l'époque Jakob Wasserman aurait été même comparé à Balzac et Dostoïevski, ce qui me le rend éminemment sympathique. J'essaierai de voir si on trouve encore quelque réédition d'œuvres de cet écrivain.
Quand l'action du film démarre, Leonard Maurizius croupit en prison depuis déjà 18 ans quand le jeune fils du procureur Andergast qui l'a condamné, rencontre le père du prisonnier. Ce dernier l'informe de cette affaire et de cette injustice. Le fils se lance, avec ses petits moyens, dans une petite enquête pour se rendre compte d'irrégularités dans le procès ... Mais la révision du procès est chose difficile à obtenir. Surtout que le succès du substitut Andergast à ce procès a boosté sa carrière pour devenir procureur.
Duvivier a mis en scène ce film à Berne et à Zurich en 1954 pour coller au mieux à l'ambiance germanique du roman avec des personnages englués dans une société aux contours rigides.
Sa mise en scène est très réussie avec une belle photographie noir et blanc. Par exemple, les deux époques - années 30 et 50 - sont évoquées par des mobiliers ou des décors différents pour mieux les distinguer. De même les scènes d'interrogatoire ou de procès, traitées en flash-back, sont très stylisées où les acteurs sont au milieu d'une scène dont les contours sont noyés dans une teinte sombre un peu comme on ferait sur une scène de théâtre. Cela accentue le côté noir du film.
La distribution repose sur plusieurs acteurs dont le jeu est parfois un peu inégal.
- Charles Vanel dans le rôle du procureur arriviste qui a du mal à se remettre en cause et surtout à remettre sur la table ce qui lui a servi de tremplin autrefois. Son jeu est comme d'habitude parfait.
- Madeleine Robinson, dans le rôle de l'épouse assassinée et bafouée. Comme toujours, excellente.
- Daniel Gélin joue le rôle de Léonard Maurizius, injustement condamné et qui n'a jamais eu les preuves de son innocence. Pire, son attitude et sa relation qui paraissent ambigües avec son épouse et sa belle-sœur ne plaident pas en sa faveur. Bien au contraire, elles l'enfoncent.
- Eleonora Rossi Drago dans le rôle de la belle-sœur plus jeune que Madeleine Robinson est belle à damner tous les saints. En quelque sorte, elle est une femme fatale à la source de bien des maux dans le film.
- Jacques Chabassol joue le rôle du fils idéaliste, épris de justice, du procureur. Et je trouve son jeu assez crédible surtout lorsqu'il se met en colère contre l'immobilisme de son père.
- Les rôles du père Maurizius (Denis D'Inès) et d'un ancien ami de Léonard Maurizius (Anton Walbrook) sont beaucoup trop théâtraux et peu crédibles. Leur rôle est pourtant essentiel au bon déroulement du film et leur jeu que je trouve assez mauvais gâtent un peu la qualité de l'ensemble du film. C'est bien dommage.
En conclusion, "l'affaire Maurizius" est un bon film dont l'histoire est passionnante même si elle est très noire et très pessimiste sur la capacité d'une société à se remettre en cause et réparer les injustices qu'elle a pu commettre.