...Ouessant, vierges des mers, toutes seules, tout l'temps...
Vous c'est l'eau c'est l'eau qui vous sépare, et vous laisse à part"
Laurent Voulzy
Jean Grémillon, à qui la production moitié Italienne a imposé l'acteur masculin, réalise derrière l'apparence d'une romance, un film étonnant et original, régulièrement proche du documentaire fiction. Un film avant tout consacré à ce que peut être l'amour d'un métier, ou d'une vocation, ici celle de soigner, et la difficulté supplémentaire que cela représente pour un genre très discriminé encore au XXème siècle, les femmes.
Car il ne s'agit pas d'une ouvrière, qui n'aurait pas choisi son métier, mais d'une femme médecin, indispensable et adoptée par une communauté, où pourtant elle se rendra compte que personne ne pleure lors de l'enterrement de l'institutrice, qui a dévoué plus de 30 ans de sa vie à Ouessant.
Micheline Presle joue remarquablement bien ce rôle, les acteurs masculins me semblent en général moins bons que les femmes ici. Mais c'est un film à voir, Grémillon est un des rares cinéastes Français à aimer filmer le travail. Les thématiques du choix et de la liberté, des conditions de la liberté, sont très présentes comme souvent chez lui. C'est aussi la trace fidèle d'une époque où, même dans les classes aisées, il était impossible pour un homme de se remettre en question, de commencer à faire un travail sur lui-même. La lucidité de André est en effet très statique... le film devient féministe par son courage et son objectivité documentaire.
La brebis noire des enfants libres, représente t-elle la doctoresse Marie Prieur, ou Grémillon lui-même, blessé par le peu de succès, les rapports avec les producteurs, et lui aussi presque sur le départ ? En tous cas, Grémillon repasse par un phare, comme dans une arrivée au port. Ce sera son dernier film.