L'anecdote est connue : évoquant "L'amour en fuite", Truffaut déclara :
En le tournant, je savais que je faisais une connerie...
Et en effet, ce cinquième opus qui clôt le cycle Antoine Doinel, héros récurrent et véritable double du cinéaste, est de loin le moins réussi de la saga.
Un film paresseux d'abord, qui se contente la moitié du temps (durée totale 1H30), de recycler diverses scènes issues des "Quatre cent coups", d'"Antoine et Colette", de "Baisers volés" et de "Domicile conjugal", récapitulant ainsi toute la trajectoire d'un personnage mythique.
Truffaut joue à plein sur la nostalgie de son public, qui s'était fortement identifié à ce Doinel, sorte d'incarnation de la Nouvelle Vague elle-même.
D'ailleurs cette dimension mélancolique du film fonctionne plutôt bien, même si on peut déplorer l'absence d'évolution du héros pour son ultime apparition, et le manque de travail fourni par Truffaut pour donner plus de consistance à ces inserts systématiques.
Car l'autre moitié du film, celle qui prétend constituer une charpente scénaristique à "L'amour en fuite", s'avère calamiteuse. Le style poétique et romanesque ne fonctionne plus du tout, ces ingrédients nécessitant un dosage précis.
Ce qui apparaissait subtil et inspiré dans les films précédents se révèle cette fois lourd et artificiel. C'est bien simple, on à l'impression d'assister à une parodie truffaldienne.
Les dialogues vifs et spontanés sont devenus plombants, et l'interprétation théâtrale des comédiens apparaît désormais fatigante.
Tout sonne un peu faux, à l'image du dénouement naïvement heureux et sentimental, auquel personne ne peut croire raisonnablement, tant il entre en contradiction avec toute la psychologie de Doinel/Truffaut, "l'homme qui aimait LES femmes"...
Heureusement, il reste Marie-France Pisier, plus belle que jamais en cette année 1979, et qui compense parfois les déclamations factices d'un Jean-Pierre Léaud pompeux.
La chanson éponyme d'Alain Souchon, qui constitue le générique de début et de fin, est également à mettre au crédit de "L'amour en fuite".
On aurait tout de même rêvé meilleure sortie pour Antoine Doinel.
François Truffaut, quant à lui, aura d'autres occasions de tirer élégamment sa révérence, puisqu'il tournera encore trois films remarqués avant son décès en 1984, à commencer par le formidable "Dernier métro" l'année suivante.