Borgman et L’amour est un crime parfait, sortis à quelques semaines d’intervalle, nous ont enthousiasmé pour une raison particulière. Dans les deux cas s’opposent nature sauvage et modernité froide, à la fois cadres, acteurs et spectateurs muets d’un microcosme humain dégénéré.

La montagne dans L’amour est un crime parfait, la forêt dans Borgman, sont deux immensités à la fois rassérénantes et inquiétantes, où l’on se ressource et s’abîme. La montagne, c’est la poudreuse et les sapins, le ski, les raquettes, mais c’est aussi ces à-pics au bas desquels pourrissent des cadavres que l’on a balancés comme de vulgaires paquets. La forêt, c’est là que quelques marginaux ont aménagé de petits abris souterrains cosy. Mais on y perd aussi son innocence d’enfant (cf. le final magnifique de Borgman), on y pratique des scarifications.

A ces milieux imposants et superbes dans lesquels des humains déambulent, tour à tour joueurs (Borgman se décrit comme tel, un joueur, changeant les règles de son jeu à l’envi, tandis que Marc/Mathieu Amalric s’amuse à recevoir ses jeunes amantes dans son chalet perdu) et dangereux, s’opposent des bâtiments à l’architecture ultra travaillée. La maison, froide et parfaite, de Borgman, isole une famille tout aussi glaciale, apparemment dépourvue d’émotions ; tout du moins avant que le personnage de Borgman ne s’immisce dans leur quotidien. L’université dans laquelle Marc enseigne la littérature est quant à elle un gigantesque open space dont la beauté trouve un écho dans tous ces magnifiques corps de femmes qui parcourent ses longs et larges couloirs, et auxquels ce professeur mi-épileptique, mi-somnambule, ne peut résister.

Le basculement d’un espace naturel à un autre durement artificiel est sans conteste l’un des moteurs de l’étrangeté de ces deux films comme de ses protagonistes. Dans Borgman et L’amour est un crime parfait, l’illogisme, voire la monstruosité des actes des personnages semblent faire miroir à cette béance un peu schizophrénique entre deux cadres de vie aux antipodes l’un de l’autre, et pourtant si proches géographiquement (dans Borgman, la forêt borde la maison de famille).

D’un point de vue animiste, on pourrait même se demander si cette forêt et cette montagne n’auraient pas possédé ces humains définitivement pas comme les autres. Reste à définir cette possession, souvent maléfique dans le septième art. On ne peut pas dire que Marc et Borgman, le soient à dessein, maléfiques. Ce sont surtout des êtres égocentrés qui jouissent, ont leur double (triple ?) vie, au sein desquelles les règles morales diffèrent (des nôtres). Nous les contemplons, ébahis par leur nonchalance royale, leur sens du jeu hors du commun, entre admiration et crainte.

Francois-Corda
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Créée

le 3 janv. 2019

Modifiée

le 4 juin 2024

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François Lam

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