L'Amour ouf
6.7
L'Amour ouf

Film de Gilles Lellouche (2024)

Le romantique cocktail explosifs de Gilles Lellouche

En 2024, le cinéma français a su, comme à son habitude depuis quelques années, nous proposer des œuvres fortes dans son ensemble. Il a diversifié les genres avec des films tels que "Daaaaaaali", "Le Comte de Monte-Cristo", "Emilia Perez" et "Nous, les Leroy". Tout en gardant une certaine volonté artistique traditionnelle qui la caractérise. Cependant, un film se démarque du lot. Il s'agit d'un projet venant de l’imaginaire de Gilles Lellouche, auteur prolifique dans le paysage cinématographique français. Il collabore avec des comédiens amicaux tels que Cannet, Dujardin, Cotillard et François Cluzet. Ce dernier s'est imposé artistiquement par son charisme à l’écran, mais aussi par son véritable premier long métrage solo (dixit "Narco" étant une coréalisation) : « Le Grand Bain ». C'est une magnifique fable comico-dramatique portant sur les laissés-pour-compte et le combat pour la réussite. Le tout porté par un casting féminin et masculin cinq étoiles.
Ainsi, le réalisateur de "Narco" et du "Grand Bain" revenait cette année en explosant tout sur son passage. Il casse tous les codes établis et propose un projet dantesque et complètement fou : un film d’amour sanglant de mafieux poétique. De plus de 3 heures, il exploite avec violence le chaos de l’amour et ses répercussions. Ce film est porté par un immense casting de comédiens talentueux : François Civil, Adèle Exarchopoulos, le couple flamboyant en tête d’affiche, sans oublier Vincent Lacoste, Jean-Pascal Zadi, Raphaël Quenard, Alain Chabat, Élodie Bouchez ou encore Benoît Poelvoorde.
Un violent cocktail dynamise le cinéma français en cette fin d’année. Il propose une véritable proposition d’auteur adaptée du roman de Neville Thompson. Le film se déroule dans le nord de la France, des années 80 aux années 1990.
Un film inévitable pour votre serviteur. Je ne pouvais pas passer à côté tant la proposition fut forte et puissante. J'espérais qu'il soit un bon film, un grand film. Verdict ?
Depuis son retour à Cannes en mai dernier, il est devenu populaire de décrédibiliser le film avant sa sortie. Cela est dû à son scénario fleurant le ridicule sur le thème de l’amour, avec des poncifs d’un Roméo et Juliette sous cocktails explosifs. Il serait facile de le décrédibiliser sur ces aspects. En effet, le film présente de nombreux points négatifs, principalement par son manque de surprise. Il s'agit d'une resucée d’histoire romantique à l’eau de rose, même si le film fait des efforts timides pour essayer de sortir de ce cercle préétabli.
Cependant, « L’amour ouf » reste une œuvre ô combien passionnante et charmante. Charmant est bien le nom qui pourrait définir "L’amour ouf", tant c'est le pouvoir de l’image inculqué par Lellouche qui nous attrape facilement dans sa toile ????️. Pendant ses 2h et 45 minutes, il ne nous lâche presque jamais. Cette toile se définit par toute la générosité que Gilles Lellouche insuffle à son récit. Il utilise un nombre incalculable de travellings imaginatifs et de plans caméra originaux et divertissants, parfois ingénieux. Cela fait corps entre narration et visuel. Beaucoup de détracteurs diront que ce n'est que par pur effet de style que Lellouche imprègne son histoire, sans aucune volonté auteuriste derrière. Mais cela serait un peu méprisant.
Le film, par ses ambitieux et délirants plans de caméra, imbibe le spectateur d'une pure virée délirante au sein du nord de la France durant les années 80-90. Des plans parfois déroutants, parfois trop généreux, mais qui donnent au film un pur style original, fleurant souvent avec le mauvais goût sans jamais tomber dans le "too much".
Comme fut « Le Grand Bain » en 2018, « L’amour Ouf » fait office de pur film choral. Cela est évident tant par son côté jukebox affirmé que par le nombre de personnages à l'écran. Ils sont assez bien développés, servant chacun l'intrigue avec plus ou moins d'assurance. Cela est renforcé par une séparation chronologique de 12 ans. Les personnages vieillissent, campés par de nouveaux acteurs plus expérimentés. Le film se sépare en deux parties bien distinctes entre les années 80, période de l’adolescence, et les années 90, période de l’âge adulte post-prison pour le personnage de Clotaire.
Le film peut paraître bancal dans son ensemble. Sa première partie est très réussie, tandis que sa seconde partie est plus complexifiée et longue par les enjeux et un rythme moins clair. Cela n'impacte en rien une deuxième partie plus nerveuse, côtoyant le sang et les larmes au détriment de son premier acte plus glamour et innocent. Ce dernier est porté par le duo amoureux Mallory Wanecque et Malik Frikah, absolument divin. Ils portent cette première partie avec aisance. Les deux acteurs sont justes par leurs rôles, complètement à l'opposé, sans tomber dans les clichés adolescents, si ce n'est celui du personnage de Clotaire. Ce dernier est un jeune gamin roublard en quête de conneries affectives. Il exaspère au premier abord, mais devient tendre et attachant lorsque Lellouche explore son milieu social.
Le film joue continuellement entre les genres de la comédie romantique et du pur film à la Scorsese, parfois trop, tout en gardant une certaine pâte visuelle qu'il avait déjà côtoyée dans "Le Grand Bain" et "Narco".
Malheureusement, le film reste sans surprise. Il côtoie les clichés amoureux de deux jeunes gamins issus de milieux sociaux différents, à la West Side Story. Ils se perdront de vue pour mieux se retrouver plusieurs années après. Le film peut paraître grossier et pompeux dans son histoire. Cependant, Gilles Lellouche y ingurgite tout son cœur, son âme, sa générosité et sa tendresse. C'est un film que l'on ne peut que saluer après ses deux heures et quarante-six minutes de projection.
Sans oublier que le réalisateur nous embarque sans jamais nous laisser sur le carreau. Cela en fait un film extrêmement nerveux, mais qui sait se calmer durant plusieurs moments de discussions posées et très justes. Mention spéciale aux nombreuses scènes entre Jackie et son père. Alain Chabat, qu'on n’aurait pas vu dans ce rôle, bouffe l'écran par son charisme naturel. Il remplit tout l'écran dans un rôle émouvant et poignant. Cela est au détriment de l'autre star (ancienne) du film, Benoît Poelvoorde, qui reste dans un jeu un peu plus retenu, en parrain de la mafia, sans scène vraiment marquante pour son personnage. Cela peut décevoir quand on connaît l’excentricité du comédien belge.
Il n’empêche que le film est assuré par ces nombreux comédiens, tous justes les uns que les autres. Même si certaines alchimies ne sont pas claires, voire ne fonctionnent pas (Vincent Lacoste et Adèle), ou encore le personnage de Jean-Pascal Zadi, toujours drôle à son habitude mais ne collant absolument pas au personnage d'enfant et ami de Clotaire. Cela crée une certaine incohérence dans son comportement. Il en reste une palette de comédiens et comédiennes excellemment interprétées. Adèle Exarchopoulos devient l’une des reines du cinéma français encore une fois. Raphaël Quenard est toujours aussi farfelu par son phrasé. Élodie Bouchez est absolument adorable en mère protectrice de Clotaire. Elle fait un mariage parental avec Alain Chabat, père protecteur de Jackie. François Civil semble trop caricatural, voire peu subtil par rapport à son homologue Malik Frikah en jeune Clotaire.
« L’amour Ouf » résulte d’un doux mélange exquis. Cela divisera par ses partis pris déséquilibrés et explosifs, et son penchant un peu trop assumé vers le mafieux à la Scorsese et le trip psychédélique romantique. Ce film est porté par un casting XXL très solide qui prône une ode à la vie et surtout à l’amour. En effet, c’est bien l’amour qui anime nos protagonistes, mais aussi son réalisateur. Cela se ressent par un amour du livre original de Neville Thompson, par un amour de son récit. Par une confiance assurée, Gilles Lellouche délivre durant 2h et 46 minutes une belle fresque sur le chaos de l’amour. Ce chaos est parfois fragile, souvent coup de poing, mais surtout caractérisé par un amour inconditionnel. C'est un amour pas comme les autres.
C'est un amour Ouf !

SQUA
8
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Créée

le 23 oct. 2024

Critique lue 173 fois

SQUA

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