L'amour louf
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Bon, il y a des moyens et un désir louable de voir en grand et de faire de l'épique avec cette love story. Pourquoi pas ? Les premières images sont hautes, stratosphériques et renouent un moment avec le souffle et l'incandescence du cinémascope des années 70 (lettres du génériques inscrites en rouge sang). Côté réalisation, on se cherche et on louvoie entre les codes anciens hérités du film de bande (West side Story, Rebel without a cause, Rusty James...) et le film de gangsters actuel (il s'agit de raconter une histoire d'amour se déroulant dans les années 80 tout en tendant un miroir à la génération actuelle). Mais ce pot-pourri cinématographique peine à faire le lien avec le passé et perd progressivement en rythme et en intensité malgré une violence qui va crescendo. Le déplacement félin des corps, filmés à hauteur de baskets, la déambulation des bandes dans les zones industrielles moribondes ne parviennent pas à donner du rythme et à assembler les éléments d'une chorégraphie, chorégraphie qui aurait pourtant fourni au film un vrai vecteur (un seul moment du film, bien trop court, s'essaie à cela). Au contraire, plus la narration progresse (dans les schémas très classiques de la rencontre entre le bad boy et la petite bourgeoise orpheline de mère mais sauvée par un père compréhensif) plus elle s'englue dans des flashs (back) sensés faire revivre le passé mais dans lesquels perle toute la vacuité du présent. Les "gueules rajeunies" des parents (Alain Chabat, Elodie Bouchez, Karim Leclou) plaquées par un procédé technique hautement médicamenteux sur leur corps actuel créent un malaise visuel.
On ne peut pas faire du nouveau avec de l'ancien. Lellouche a beau convoquer toutes les ficelles du genre (le teenager movie), la sauce ne prend pas et un malaise s'installe. Est-ce l'époque actuelle qui se refuse à cet appel du pied nostalgique ? C'est possible. D'ailleurs, le film est vite envahi par des considérations économiques bien actuelles où il s'agit d'être du côté de ceux qui palpent. La trajectoire du petit malfrat vers le grand banditisme est cautionnée par la lapidation des espoirs de la classe ouvrière. La prédation est la seule voie qui rapporte et la violence en est son moyen privilégié. Lellouche règle à sa façon cette dérive réaliste qui éloigne définitivement son film de son postulat romantique. Ainsi cette scène dans laquelle Poelvoorde, en parrain plus ou moins convaincant rangé des voitures, dit regretter l'époque d'avant le trafic de drogue. La messe est dite. La narration s'actualise d'un coup avec une certaine délectation. Les crânes que l'on fracasse à coup de battes ou de combiné téléphonique définissent la nouvelle zone de confort à laquelle le film va se conformer, abdiquant en même temps toute recherche formelle au profit d'une scénographie très plate et codée façon clip. Les personnages deviennent des poufs de salon bons à frapper ou bons à être truffés de balles. La réaction de Clotaire, le personnage principal, devant la mise à mort d'un convoyeur de fond, ne convainc personne. Il passe même pour un idiot à vouloir sauver le type. Fin de la première partie.
Je vous raconte pas la deuxième car, le temps aidant, on commence à s'ennuyer. Mais comme la place a coûté cher, on essaye de trouver un intérêt. C'est de pire en pire hélas. La fascination pour la violence prend définitivement ses quartiers d'été. Et la rédemption finale des personnages laisse pantois. Genre : le mec est devenu gentil. Il se laisse mal parler par son boss. Il aurait pu le tuer mais il a compris qu'il devait s'intégrer. Affligeant de platitude et mort de l'espoir. Décidément, le monde de l'entreprise et du commerce a fini par tuer le rêve. James Dean a bouffé sa casquette et Marlon Brandon a acheté une Tesla.
Créée
le 21 oct. 2024
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