L'amour louf
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le 19 oct. 2024
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L’amour ouf, la dernière réalisation de Gilles Lellouche, était très attendue après l’immense succès public et critique de son Grand Bain. Ce nouveau film est inégal, parfois raté, mais il possède une singularité indéniable qui a capté mon attention. Son côté baroque, too much, si rare dans le cinéma actuel. Lellouche fait preuve de générosité et prend des risques, ce qui est à saluer.
Les années 80, dans le nord de la France. Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traîne. Et puis leurs destins se croisent et c'est l'amour fou. La vie s'efforcera de les séparer, mais rien n'y fait, ces deux-là sont comme les deux ventricules du même cœur...
Avec L’amour ouf, l'acteur-réalisateur prend un virage à 180 degrés par rapport à son film précédent. Le Grand Bain, une comédie grand public et touchante, dépeignait avec sensibilité la reprise en main de quinquagénaires à la dérive. Ici, Lellouche plonge dans une atmosphère saturée de violence et de plans esthétiquement chargés. À l’opposé de la masculinité fragile et émotive de son dernier film, L’amour ouf se concentre sur une virilité brute et exacerbée. Le réalisateur s’aventure ainsi sur un terrain où le risque de déplaire est grand, ce qui mérite d’être souligné. Ce choix audacieux n’a d’ailleurs pas manqué de faire réagir, comme en témoigne cette critique lapidaire des Inrocks : « Après la réussite de son Grand Bain, le cinéaste fait plouf avec un deuxième (très) long métrage bouffi formellement et assez nauséeux dans son propos. ».
De nombreux reproches peuvent effectivement être adressés au film. Certaines scènes s’étirent en longueur, des dialogues sonnent faux, et le casting s'avère inégal. Alain Chabat, par exemple, se montre terne dans un registre dramatique qui lui est inhabituel. Quant à Adèle Exarchopoulos, elle est franchement mauvaise, particulièrement dans ses scènes de crise qui manquent de justesse. Vincent Lacoste est assez terne. La bande-son est omniprésente et le film très long (2h40 !). La fin met du temps à se dessiner. En fait, on ressort assez lessivé du film.
Pourtant, malgré ces défauts, le film parvient à laisser une empreinte durable. L’amour ouf est un film galvanisant, presque euphorisant dans ses excès assumés. Ce film m’a rappelé cette nuit, il y a deux ans, où je suis sorti du Cinéma Palace à une heure du matin, littéralement épuisé par le titanesque et génial Babylone de Damien Chazelle.
Le caractère excessif de L’amour ouf est indéniable : trop violent, trop clinquant, trop long. Mais cette démesure est un choix esthétique pleinement assumé par Gilles Lellouche. Bien qu’il trébuche parfois, à la longue, ce parti pris audacieux finit par payer et confère au film une singularité rare. En France, cette outrance est peu tolérée, alors qu’elle est acceptée, voire célébrée, dans des productions étrangères comme dans les films de Brian de Palma.
Lellouche fait preuve d’un amour évident pour le cinéma et ses références sont visibles. Il s’inscrit dans la lignée des réalisateurs comme Scorsese ou De Palma des années 80, avec son déferlement de violence et son esthétique clinquante. Ces influences cinéphiles, bien que prégnantes, n’empêchent pas L’amour ouf d’être profondément ancré dans un contexte social français. Car derrière le vernis rutilant et mainstream du film, il y a tout de même le sujet du déterminisme social, de la reproduction de la violence. Jackie et Clotaire, malgré leurs différences, sont tous deux ancrés dans un contexte social difficile qui semble les enfermer. Cette dimension d’enfermement se retrouve également dans les personnages secondaires, souvent victimes de leur milieu, incapables d'échapper à un cycle de pauvreté et de violence.
Ce qui m’a particulièrement séduit dans le film, et ce qui est relativement rare, c’est son ampleur et son ambition narrative. L’amour ouf suit le couple sur plus d’une décennie, des années lycée à l’âge adulte. Des années de la construction et des premières expériences jusqu’à celles où tout devrait justement être construit. Des pans de vie qu’il montre à l’écran, Lellouche retient les moments marquants, ceux du début et ceux de la fin, en faisant une longue éclipse de dix ans.
Les jeunes acteurs interprétant Jackie et Clotaire adolescents sont d'une étonnante justesse. Si Adèle Exarchopoulos est assez calamiteuse, François Civil se révèle nettement meilleur, capable de retranscrire la violence et la fêlure intérieure de son personnage.
Après avoir relevé tant de points positifs que négatifs, la question se pose : peut-on conseiller ce film ? La réponse n’est pas simple. L’amour ouf est indéniablement clivant, mais c’est justement ce qui m’a plu. Lellouche ose prendre le risque de déplaire, et cela mérite d’être salué.
Créée
le 3 nov. 2024
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