N'ayant vu que Kagemusha et Rashomôn avant de m'atteler à L'Ange Ivre, c'est avec peu de motivation que j'ai décidé de visualiser ce Kurosawa. Aucun des deux films vus auparavant ne m'ont marqué, Rashomôn m'ayant même parfois semblé à la limite du supportable, je pense tout de même que je dois continuer à voir des films du Japonais car il est considéré par beaucoup comme la crème de la crème du cinéma nippon.
Que nenni! Ce sont les mêmes impressions que j'ai en finissant cette œuvre, certes intéressante, mais tout aussi prévisible et grossière que Rashomôn, qui souffre selon moi d'être un film beaucoup trop écrit et évident. L'Ange Ivre oppose donc deux personnages assez caricaturaux et plutôt antipathiques, le yakuza violent et le médecin colérique mais avec un bon cœur. Les dés sont jetés assez tôt, quand on comprend que les multiples allers-retours entre les deux augurent une évolution vers quelque chose de différent, c'est-à-dire une sorte de rédemption de la part du personnage de Mifune.
Cette évidence du propos (que je trouve toujours chez Kurosawa, et qui me dérange) ne serait pas un problème si la structure du récit n'était pas aussi grossière. En effet, on comprend très vite ce qui nous attend et Kurosawa ne réussit pas à garder de tension dans son histoire, qui se déroule lentement mais surement vers une fin tragique mais tout sauf surprenante. On ne compte plus les indénombrables répétitions qui continuent de matraquer un message assez naïf somme toute : comme le disent le docteur et la serveuse du bar à la fin : c'est un yakuza donc il ne changera jamais - mais il avait quand même envie, si si, etc. Bref, aucun personnage ne sort de son rôle - les méchants sont méchants, le yakuza est méchant mais quand même un peu moins que les vrais méchants, le médecin est désagréable mais c'est un gentil (il le dit lui-même, bien sûr, c'est un ange), les femmes sont soit manipulatrices soit fragiles et en besoin de protection... Un des maints problèmes que je retrouve chez ce cinéaste est ce manque cruel de consistance chez ses personnages, qui servent un propos très peu subtil.
Quelques aspects du métrage sont quand même à retenir - notamment la mise en scène, parfois inspirée. Kurosawa réussit tout de même à s'accaparer un lieu intéressant, avec la mare putride en son centre, image de tous les malheurs touchant les multiples hommes et femmes de quartier, que ce soit la boisson chez le médecin ou la forte présence de la pègre qui contrôle la ville. Le personnage de Mifune, contrairement aux autres, est assez réussi bien que parfois un peu ridicule. Son évolution attendue vers sa rédemption se fait de manière peu originale mais Mifune, habité, est convaincant grâce à un visage pétri de douleur et de doute.
Cela n'est cependant pas assez pour faire de ce film un chef d'œuvre, bien que la moyenne sur SC semble vouloir me contredire. A mes yeux, Kurosawa a certes de bonnes intentions, mais il n'a malheureusement pas le talent qu'avaient Ozu ou Mizoguchi à la même époque.