Une amitié virile, pas évidente, voir paradoxale.
C'est avec ce postulat que Kurosawa a souhaité démarrer sa carrière personnelle au cinéma.
En réalisant ici son premier film qui ne résulte pas d'une commande de studio mais bien d'un désir personnel, Kurosawa prouve aux studio Toho et au monde que son talent se suffit à lui-même.
D'une modernité sans pareil, d'un réalisme mais d'une puissance quasi onirique, ce récit aux apparences simplistes se fait à la fois drôle et tragique, grave et léger.
Le réalisateur japonais livre la chronique malheureuse de deux hommes qui n'ont rien en commun, de deux amis qui n'avaient pas en mains les clés pour une amitié solide.
Viril, car habité par la présence animale et éclatante de Toshirō Mifune qui tourne ici pour la première fois face à la caméra de Kurosawa, promesse d'une longue série de chefs d’œuvres.
Viril mais désenchantée. A l'ambiance sale et poisseuse des faubourgs insalubres d'un Japon en plein reconstruction, on dérive souvent (et ce dés l'ouverture) vers une ambiance plus calme et posée, aux allures de veillées musicales (la fameuse "mandoline" qui accompagne les scènes nocturnes du film) au coin du feu sous le clair de Lune.
En plus de dresser avec humour et délicatesse les tentatives d'amitié entre ces deux hommes, Kurosawa livre aussi en filigrane le portrait de la mentalité japonaises, celle d'un peule soumis à la fatalité, qui accepte avec dureté et rigueur son destin et pose un jugement sans pitié sur celui qui failli à la tâche, comme le montre la fin, grand moment de dureté quasi tragique, pourtant relevé par une note finale drôle et légère.
C'est en somme un petit chef d'oeuvre que réalise ici Kurosawa, début d'une longue lignée de fims majeurs.