Ou comment se retrouver orphelin et potentiellement adoptable par un couple queer, tout ça parce qu’on a voulu donner son assiette au chien…
Un nanar serait un film qui possède tellement de défauts qu'il en devient involontairement ridicule et comique, et le site « Nanarland » classe celui-ci comme tel. Et comme mauvais nanar, en plus.
D’autres parlent de navet, et là ce serait carrément mauvais tout court (mais ce n’est pas un navet, c’est une aubergine !).
Cela pourrait en avoir la forme, mais cela n’en a pas le fond.
D’aucuns encore le qualifient de parodie (de série B, de série Z, de SF), de comédie, de film catastrophe alimentaire à l’humour noir, de manifeste LGBT…
Eh bien je vais une fois de plus faire mon originale et décréter : c’est une multi-allégorie kitsch revendiquée ! Et une charge acerbe contre des pans entiers de la société.
Tiens, d’ailleurs, Pan. Pan est présenté comme le dieu de la foule, et notamment de la foule hystérique, prise de « panique » ; il rendrait fou celui ou celle qui le verrait. Exactement l’effet que provoque notre moussaka géante…
A mon premier visionnage, ce sont ces courses collectives ou individuelles (à pied, en vespa, en décapotable) dans les rues d’Athènes qui m’ont le plus frappée, ainsi que tous les plans sur les différentes architectures, de l’Acropole aux églises en passant par les villas luxueuses ou les bas-fonds. Et la multitude de lampadaires.
La glissante errance de la moussaka est prétexte à montrer l’envers du décor pour touristes : un urbanisme en surchauffe avec la pollution (la journaliste et son inhalateur), l’insalubrité, l’insécurité. L’atmosphère de la ville est devenue nocive.
Car oui, notre moussaka est adepte de la lenteur et de la qualité ! Ce n’est pas un hasard si elle commence par exterminer les convives d’un barbecue et si les images de malbouffe abondent. Elle n’aime pas la fast-food, ni le fast-sex, ni les couples avachis, ni les familles dysfonctionnelles, ni…
Et elle a une petite tendance nationaliste : ce qui est « de chez nous » peut prendre des proportions démesurées, l’apocalypse ne sera pas forcément extraterrestre… ceci dit au moment où l’on changeait de millénaire (et où la Grèce allait intégrer la zone euro).
Mais la cible principale de la dénonciation, à part les politiciens incompétents, ce sont les média dans leur quête de sensationnalisme (« Nous espérons déplorer d’autres victimes ») et leur surenchère pour maintenir leur audience : mort en direct d’un expert, tentative d’interview d’un témoin décédé…
N’éteignez pas votre télévision
Montez le son
Ne bougez pas de votre écran
Ne paniquez pas
Ne vous suicidez pas
Au second visionnage, j’ai repéré plein de détails et de références (certaines certes inexplicables voire gratuites, mais j’aime ça) : « Nowhere to run » de Martha and the Vandellas qui sort de l’autoradio, ou bien la femme du ministre qui fait ses lignes de coke au dos d’un livre sur les Amérindiens, les débuts de l’addiction au téléphone portable…
Alors oui, il y a des travestis, des scientifiques en blouse rose, de la musique disco, une soucoupe volante échappée des années 50, des effets spéciaux au rabais. Et non, on ne rit pas vraiment. Mais ce n’est pas un nanar.
Pour conclure, je vous envoie vers la critique de Maqroll, qui a une théorie fort intéressante et originale.
https://www.senscritique.com/film/L_Attaque_de_la_moussaka_geante/critique/24134699