Sur la fin de sa vie, les (scandaleuses) déclarations de Claude Autan-Lara l'empêchant sans doute d'être autant apprécié qu'il ne le faudrait. Artistiquement parlant, il a pourtant réalisé de très grands films, dont ce chef d'oeuvre qui est Occupe-toi d'Amélie ou La traversée de Paris. Et je dois désormais compter avec L'auberge rouge, que j'ai trouvé réjouissant en diable.
Dans un chalet en Ardèche, piégé par une tempête de neige, un moine (accompagné de son disciple) apprend que les propriétaires du lieux ont pour habitude de voler et tuer ceux qui s'arrêtent chez eux. La femme va alors confesser ses crimes au moine, joué par Fernandel, mais piégé par le secret qu'oblige la confession, il va vouloir sauver les autres occupants du chalet sans les avertir du danger qui les menace.
Le tournage avait été très difficile, Claude Autant-Lara méprisant Fernandel qui lui méprisait le reste des acteurs, voulant tirer la couverture à lui. Tout cela ne se voit pas dans le film, qui a une véritable unité de groupe, notamment les deux aubergistes joués par Françoise Rosay et Julien Carrette que je trouve à la fois drôles et inquiétants, surtout le second. Ils sont tous les deux tiraillés entre le fait qu'ils tuent, mais qu'ils veulent arrêter car ils envisagent de prendre leur retraite, et Fernandel aussi, car il ne peut pas dire aux autres ce qui lui a été confessé, faisant mille manœuvres pour leur faire comprendre sans révéler la vérité. Il y a de l'humour noir qui baigne aussi dans cette histoire, avec une des victimes qui se retrouve dans un bonhomme de neige, ou la dernière scène, qui est un chef d'oeuvre en la matière, et qui rendrait fou de jalousie un certain Billy Wilder. Mais c'est également très drôle, avec cette confession de Françoise Rosay, qui, vu qu'elle n'est pas dans un confessionnal, prend un gril pour donner l'illusion auprès de Fernandel, ou alors la cérémonie de mariage qui prend tellement de temps que des gens ronflent !
Claude Autant-Lara et ses scénaristes (Jean Aurenche et Pierre Bost) ont idéalement choisi de faire de L'auberge rouge une histoire qui se déroule essentiellement en intérieurs, à cause également de la tempête de neige qui se passe en-dehors, mais dont la mise en scène donne l'impression que l'auberge est immense. Tout cela avec des comédiens formidables (dont je cite aussi Lud Germain, bien qu'il en fasse beaucoup), et cela donnera un immense succès public, critiquée par la presse, et démoli par Fernandel, qui s'est rendu compte que son personnage allait contre ses convictions religieuses.
Mais le film reste et c'est un grand film !