1980 : j'étais sorti du système scolaire/universitaire depuis quelques années et avais été voir ce film à sa sortie par curiosité. Il faut dire que j'avais bien aimé cette pièce étudiée dans je ne sais plus quelle classe.
Mon impression était plutôt positive car le film, qui ressemble plus à du théâtre filmé, m'avait semblé plutôt fidèle au moins en esprit ; formellement, les dialogues me semblaient bien respecter le texte de Molière (y compris avec les tournures élégantes de l'époque et les subjonctifs) ; à ma grande surprise, dans la salle (j'habitais en Provence à cette époque-là), il y avait des gens que j'entendais s'exclamer avec des "trahison" ou "scandale" ou "n'importe quoi" accentuant la tournure comique du film. Et en fait, même aujourd'hui, je ne comprends toujours pas ce qu'il y avait de scandaleux dans le film. Bien sûr, il y avait certains inserts, histoire d'illustrer ou d'imager ou d'actualiser les propos mais, justement, j'avais trouvé ça plutôt utile pour faire passer au public un texte classique.
Après tout, les reprises des pièces antiques complètement modernisées par des Anouilh, Pasolini ou tant d'autres dans un contexte actuel, font bien pire.
Justement, Jean Girault et son scénariste Jean Halain ne sont pas tombés dans le piège de la restitution d'époque de la pièce de Molière qui voudrait que les acteurs exagèrent leur jeu, en roulant les "r", un peu façon "commedia dell'Arte". Parce que, là, moi, ça me gave très vite et ça ne me fait même pas rire. Au contraire, ici, le film me parait rester dans une tonalité neutre qui ne verse pas dans la grosse farce. C'est peut-être ce que reprochaient les spectateurs intransigeants au cinéma. Va savoir !
C'est bien sûr Louis de Funès qui joue le rôle d'Harpagon ; c'était un rôle qu'il avait toujours rêvé d'assurer, parait-il, au théâtre. En fin de carrière, au cinéma, c'est donc la consécration ! En plus, il est nettement plus modeste dans ses mimiques ; là, encore, je trouve son jeu plutôt réussi et plaisant. Certaines scènes sont même jubilatoires quand De Funès esquive adroitement la femme chargée de la quête à la messe.
Et Claude Gensac dans le rôle de l'entremetteuse Frosine volerait presque la vedette à son "mari de scène".
N'oublions pas les bonnes prestations de Galabru, qui a comme toujours, tendance à faire un peu de Galabru. Franck David et Hervé Bellon ne déméritent pas non plus.
La mise en scène est un peu originale mais pas désagréable avec les fac-similés des couvertures des "petits classiques" genre Hatier ou de morceaux de textes. Ou encore les dessins d'Uderzo …
Sans être un grand film, je dirais que les objectifs poursuivis par Jean Girault et De Funès me semblent atteints entre porter au cinéma la célèbre pièce de Molière pour le premier et endosser le rôle d'Harpagon pour le second