"L'Aveu" est ce que j'appelle un film utile.
Est-il bien nécessaire de parler du sujet du film sinon pour dire qu'il concerne les procès politiques menés en Tchécoslovaquie au début des années 1950 où des dirigeants du pays furent accusés de complots d'espionnage au profit des USA.
Je dis que ce film est utile pour rappeler à quelles extrémités une idéologie, ici communiste mais applicable à toute idéologie totalitaire et contraignante, peut conduire pour maintenir un pouvoir par la peur. A cette époque, on est en pleine guerre froide et il parait indispensable de souder la population autour de prétextes comme par exemple la présence d'espions ennemis au sein même du gouvernement. Si en plus, on est capable de donner des preuves à travers des relations suspectes avec des agents de la Yougoslavie qui "mourait" d'envie à l'époque de quitter le giron des pays de l'Est, c'était banco. Pire, si en plus les suspects sont juifs donc sionistes et par conséquent vendus aux américains, alors, c'est le jackpot. C'est juste la preuve qui manquait.
La recette est immuable et efficace dès lors qu'on contrôle en plus les moyens d'information et de communication. Pas besoin de donner des exemples, ils sont à l'esprit de tout le monde qui veut bien les reconnaître.
Revenons à "l'Aveu" qui n'est donc qu'un exemple parmi tant d'autres. J'ai lu que l'auteur du livre, Artur London, et, par conséquent la victime de ces procès truqués, était lui-même un communiste stalinien qui n'avait pas hésité lors de la guerre d'Espagne à éliminer férocement les éléments trotskistes des Brigades Internationales. Entre autres ignominies. Pour être conciliant, on pourra dire que c'est un juste retour des choses. Mais le problème sur le fond n'est pas du tout là. Le problème que l'on doit retenir de "L'Aveu", c'est les procès truqués, commandités par les soviétiques, sur la base d'une justice au service d'un pouvoir. Et uniquement ce problème.
Sur le plan cinématographique, le film est d'une rare efficacité. On est dans une espèce de huis-clos dans lequel un homme est isolé du monde extérieur dans une prison avec pour seuls interlocuteurs des bourreaux hurlants, menaçants, humiliants. On ne voit que des cellules sales, humides ou des couloirs souterrains qui ne conduisent qu'à des salles d'interrogatoire. Là, il est essentiel de contraindre par tous les moyens le suspect sans toutefois attenter à sa vie ou à son intégrité physique car on a besoin pour le procès de suspects bien portants. La torture est moins brutale (en comparaison avec la Gestapo pendant la guerre) mais plus raffinée et au final, tout aussi terrible pour obtenir les aveux qui démontreront avec éclat la culpabilité des suspects.
C'est Yves Montand qui, dans un de ses plus grands rôles, interprète le personnage de Artur London. Il aurait, dit-on, perdu dix-sept kilos pour crédibiliser son personnage qui est très convaincant.
Simone Signoret joue le personnage de son épouse française qui finira par, publiquement, renier son mari. "Il vaut mieux avoir tort dans le Parti qu'avoir raison hors du Parti". Son personnage subira aussi le contre-coup de l'enfermement de son mari à travers de "petites" vexations. Montand et Signoret prendront à travers ce film leurs distances avec le PCF. C'est relativement rare dans le cinéma que les personnages des acteurs "collent" ainsi avec la propre histoire des acteurs.
Le reste du casting est très bon avec Jean Bouise, Jacques Rispal qui perd son pantalon au procès de façon hautement symbolique (si ce n'est pas vrai), Marc Eyraud en politique tout en rondeur, …
Au final, "L'Aveu" est un film symbole, film coup de poing que je ne revois jamais sans éprouver d'émotion voire de frayeur en voyant que les leçons d'un passé terrible, pas si lointain, s'estompent dans l'esprit de mes compatriotes.
Un film utile, vous disai-je.