Troisième film du génial réalisateur mexicain Guillermo del Toro, L’Echine du diable est un petit bijou du cinéma de genre fantastique, à mi-chemin entre l’horreur et la féerie. Multi-primé au festival de Gerardmer en 2002 et premier succès commercial du réalisateur, le film est soutenu et produit par Pedro Almodovar. Après le mythe du vampire relaté dans son premier film Chronos, et un passage par Hollywood avec son second Mimic, le réalisateur revient ici au conte d’horreur.
Le film rassemble trois thèmes chers au réalisateur : la jeunesse, abandonnée ou laissée à elle-même dans ce vaste orphelinat austère ; le surnaturel, que l'on retrouve à travers des créatures monstrueuses mais pleines de gentillesse dans Le labyrinthe de Pan ou La forme de l’eau, ou les fantômes du passé qui viennent ici hanter les vivants ; et la guerre, avec une sourde violence n’est jamais loin.
L’Echine du diable trouve ainsi son ancrage en pleine guerre civile franquiste. Une bombe, tombée là durant la Seconde Guerre mondiale sans avoir explosé, en est le parfait symbole. Vissée dans le sol en plein milieu de la cour, c’est une véritable épée de Damoclès, rappelant que le pire n’est jamais très loin.
Le pitch est simple. Nous suivons les premiers pas de Carlos, un garçon d’une dizaine d’années dont le père est récemment décédé, dans un orphelinat dirigé par un couple soutenant la cause républicaine. Tandis qu’au dehors, la menace franquiste se rapproche, le jeune Carlos découvre que les lieux sont hantés par le fantôme d’un garçon mort dans des conditions pour le moins étranges.
Le film s’empare de manière novatrice de la notion de spectre mainte fois traité dans le cinéma de genre : ces êtres, figés entre la vie et la mort, qui reviennent hanter les vivants et ne peuvent trouver le repos éternel tant que leur mort reste impunie.
Le jeu d’acteur est époustouflant. On sait comme il est difficile de diriger de jeunes acteurs. Ces derniers ont ici une parfaite maîtrise de leur jeu et une palette de nuances fascinante. On sent que Guillermo del Toro attache beaucoup d’importance à la complexité sentimentale de ses personnages. Il a d’ailleurs pour habitude de leur rédiger une existence complète, qui leur confère un background allant bien au-delà des scènes nécessaires au film.
Grâce à sa mise en scène intelligente frôlant la perfection, à une photographie magnifique aux couleurs sépias qui doit beaucoup au talent de Guillermo Navarro (chef opérateur qui travailla notamment sur Jackie Brown et Une Nuit en Enfer), et un scénario redoutablement efficace et prenant, Guillermo del Toro entre avec l’Echine du diable dans la cour des Grands.
Première partie d’un dytique sur la guerre civile d’Espagne dont le monde entier connaît le second volet (Le labyrinthe de Pan), L’Echine du diable n’en est pas moins un bijou de noirceur fantastique surprenant et qui nous met une délicieuse claque !