"L'élégie d'Osaka" est un court film de 1 h 12 et il condense tous les thèmes chers que le cinéaste développera ultérieurement et avec plus d'ampleur. Le film date de 1936 et il y a une volonté de l'inscrire dans cette époque ; néons dans les rues, intérieurs bourgeois au mobilier années 1930, vêtements à l'occidentale : le Japon connaît depuis les années vingt une importante expansion démographique, l'amélioration de la condition de la femme, et un développement culturel sans précédent. Dans le film, les femmes semblent, en apparence jouir d'une plus grande liberté, mais ce n'est qu'un faux-semblant ; les vieux schémas patriarcaux fonctionnent toujours bel et bien ; elles se font régulièrement insulter dans leur quotidien, les rapports de classe sont bien marqués et l'émancipation de l'héroïne passe par la prostitution. Les plans sont déjà d'une grande beauté, un léger flou nimbe certaines images, hommage au cinéma expressionniste allemand ? elles semblent se fondre les unes dans les autres ; Mizoguchi sait déjà placer sa caméra là où il y aura des diagonales, des angles, des lignes de fuite qui dynamisent son cinéma . L'étude de mœurs de cette société bourgeoise et urbaine donne parfois des moments de « comédie » qui ne sont pas les les plus réussis. Le comique est même parfois lourdaud ; mais l'on s'attache à l'héroïne, issue d'une basse classe, qui, rejetée de tous, contre vents et marées, marche, déterminée vers son destin de "femme libre" dans un gros plan final où son visage mange l'écran.