L’emploi comme le fait justement remarquer le critique Jean A. Gili est une « dénonciation feutrée d’un système économique qui transforme les illusions de jeunesse en acceptation passive d’un travail stérilisant l’âme et le corps. » « Feutrée » mais néanmoins tout à fait terrifiante dans la mesure où le « héros » accepte, sans même se plaindre, une intégration déshumanisante qui le condamne à une vie d’obscur bureaucrate. Le film est complètement désenchanté et même l’histoire d’amour naissante n’aboutit pas. Les scènes de la vie de bureau, dans toute leur absurdité, nous plongent dans un monde digne de Kafka. Le film fait aussi penser parfois à Jacques Tati. C’est parfois un peu long parce qu’il y a une volonté du réalisateur de dédramatiser complètement son histoire. Mais il y a aussi beaucoup de finesse comme, par exemple, dans la scène de la courroie (qui sert à maintenir les livres et cahiers pour aller en classe quand on n’a pas assez d’argent pour s’acheter un cartable) que l’ainé rechigne à laisser au cadet, ce qui est, apparemment, totalement ridicule puisqu’elle ne lui est plus d’aucune utilité puisqu’il va entrer dans le monde du travail. On ne comprend pas l’importance de cette scène, située au début du film, mais elle s’éclaire par la suite quand, au moment de son entretien d’embauche, l’aîné explique qu’il voulait devenir géomètre mais qu’il n’est pas possible, faute d’argent, que lui et son frère poursuivent tous les deux des études, et qu’il est en quelque sorte sacrifié. Il l’accepte comme tout à fait normal et sans aucune aménité, mais le film montre que l’inconscient parle dans cette réticence à abandonner cette courroie. Le film est disponible en DVD dans une bonne copie chez Tamasa et, pour les nancéiens, il se trouve à la médiathèque de la Manufacture.