Coincé dans un bout de campagne isolé étalant ses champs de blé à perte de vue, le petit Seth refuse de céder à l'ennui et à la morosité qui le cernent et fait les 400 coups, quitte à semer malgré lui la discorde. Prendre une voisine mystérieuse pour un vampire, voir ses camarades enlevés et tués, sa famille se déliter, ne sont que quelques étapes sur le long chemin de croix moral qui le conduira à la prise de conscience de ce que c'est que de vivre. Ouais, c'est pas très gai.
Philip Ridley annonce déjà avec ce film la chronique obsédante de l'ennui mystique qui oppresse les êtres isolés et leurs communautés restreintes, que l'on retrouvera dans le tout aussi mémorable (et tout aussi oublié) Darkly Noon. Avec pour seule issue la folie ou la mort, le tableau n'est guère engageant, mais crée une ambiance assez unique, que ponctuent des images et des symboles insolites (le bébé, le harpon, la voiture), mais néanmoins cohérents dans un ensemble flirtant sans cesse avec le fantastique et l'onirique.
Ce canevas est brodé sur un décor magnifié par la photographie, la musique et la réalisation parfaire de Ridley, peintre avant d'être cinéaste - et le moins que l'on puisse dire c'est que ça se voit. Beaucoup de plans trahissent l'influence de l'école américaine, que ce soit dans les extérieurs ocres éblouissants ou les intérieurs feutrés. La légende dit d'ailleurs que Ridley aurait repeint les épis de blé pour que leur couleur lui convienne mieux...
Enfin les acteurs sont remarquables, à commencer par le petit Jeremy Cooper, jusqu'à un tout jeune Viggo Mortensen.
Œuvre avant tout picturale et sensorielle, L'enfant miroir ne délaisse pas pour autant son histoire et ses personnages, quitte à multiplier les intrigues secondaires, jusqu'à un final abrupt mais poignant. Une belle redécouverte pour un film exhumé depuis peu en France par la collection Blaq Market.