Bellochio, aujourd’hui âgé de 83 ans, met en scène avec la maestria d’un réalisateur qui n’en est pas à son coup d’essai un fait divers qui secoua l’Italie au XIXe siècle : l’enlèvement d’Edgardo Mortara, jeune garçon juif de 6 ans vivant à Bologne baptisé en secret par sa nourrice, par les autorités papales, Bologne étant à cette époque rattachée aux États pontificaux.
Avec une mise en scène aux accents d’opéra qui fait penser à Vincere, notamment par le soulignement du tragique par la musique et les élans mélodramatiques, Bellochio continue d’explorer la mise au joug de l’intime par les forces de l’Histoire, les institutions. Dans son précédent film, Marx peut attendre, Bellochio se penchait en documentariste sur sa propre histoire et surtout celle de son frère jumeau Camillo, qui se donna la mort à 29 ans. Ce film apparaissait comme un mea culpa de la part du réalisateur, l’aveu de la négligence du mal-être de son frère au profit de la poursuite de ses idéaux révolutionnaires. Pourquoi revenir alors sur cet épisode de son histoire personnelle à plus de 80 ans ? Une prise de conscience d’une forme de préséance de l’intime sur le politique ? Toujours est-il que l’Enlèvement semble habité par idées similaires. La prise de Rome en 1870, évènement politique majeur et fondateur de l’Italie s’il en est, marque surtout la scission définitive d’Edgardo d’avec les siens.
L’institution despotique est évidemment ici l’Église catholique, et notamment le Pape en personne, Pie IX, montré particulièrement tyrannique, allant jusqu’à jouir à plusieurs reprises de l’humiliation d’autrui. Bellochio ne montrera guère plus de ménagement pour les autres membres de l’Église. Pas de rédemption pour Edgardo, il finira seul et incompris des siens. Seul également son père, après la décision du tribunal, nouveau symbole d’une institution qui laisse l’Individu démuni et impuissant.
Un film qui, à mon avis, pèche par sa surenchère tragique et surtout par son dernier segment, une fois Edgardo devenu jeune homme, sans doute le moins inspiré et le moins juste dans l’interprétation, mise à part la scène d'apparition nocturne.