Pendant la guerre froide, l'agent britannique Alec Leamas doit infiltrer le contre-espionnage est-allemand afin de persuader l'agent Fiedler d'éliminer son propre chef, Hans-Dieter Mundt…
C’est la première adaptation d’un des romans de John Le Carré au cinéma et elle est réalisé un après la publication du roman. Le film est assez fidèle au roman et, tout comme lui, nous présente un univers où les espions sont démythifiés. Leamas (Richard Burton) est un simple professionnel qui exécute les ordres de son patron sans vraiment connaître les tenants et les aboutissants des missions qui lui sont confiées.
Réalisé un an après Goldfinger, en pleine période du succès du personnage de 007, L’espion qui venait du froid se présente comme un « anti James Bond ». Mais, et c’est un des points remarquables du film, il ne cesse d’y faire allusion. Dans la très belle première séquence du film, splendidement filmée, Leemas est présenté de dos, fatigué, s’opposant ainsi aux séquences pré-génériques des James Bond où ce dernier nous fait face et tire en direction de spectateur. De la même façon, il meurt assez minablement à la fin, abattu d’une balle dans le dos.
L’acteur qui joue l’épicier n’est autre que Bernard Lee qui joue le rôle de M dans les films de James Bond et il encaisse une somme qui n’est composée que de chiffres 7. Quand Nancy (Claire Bloom) vient chercher Leemas à sa sortie de prison elle nomme le bus qu’elle doit prendre pour ne pas être en retard à son travail, c’est le numéro 7 !
Tout comme dans le roman l’intrigue est très complexe mais comme le fait observer Philippe Paul dans son analyse sur le site Dvdclassik « même si l’intrigue est complexe, le spectateur la voit d’un point de vue unique ; et lorsqu’il manque des informations, elles manquent aussi à Leamas, que le film suit constamment. Le spectateur est ainsi à égalité avec le personnage principal dans son niveau de compréhension de l’intrigue et ne peut jamais se sentir perdu malgré l’opacité de certaines situations. Un choix de narration parfait pour ne jamais frustrer le spectateur, tout en ne cédant pas à une simplification de la situation qui ferait perdre profondeur et complexité au récit. »
Le récit, passionnant, est pourtant particulièrement austère, avec seulement deux séquences d’actions situées au tout début et à la fin du film. Cette austérité est renforcée par la très belle photographie « grise » d’Oswald Morris. Le casting est parfait et on peut savoir gré à Richard Burton d’avoir eu le courage de casser complètement son image : il est tout à fait étonnant ici, complètement à contre-emploi.
Martin Ritt nous offre donc un excellent film d’espionnage, sans aucune action d'éclat, sans gadget, sans Aston-Martin, sans pin-up. Le monde des espions est terne et sordide, à l’Est tout comme à l’Ouest.