Le film "Espoir, Sierra de Teruel" a été réalisé en 1938 et 1939 par André Malraux sur la base de son roman, "L'espoir", publié fin 1937. Petit détail (qui a peut-être son importance), je ne sais pas interpréter la suppression de l'article dans le titre quand on passe du roman au film.
Ceci étant dit, lorsque je prends le roman en main, je constate qu'il est bien plus vaste en termes de contexte et évoque plutôt le début de la guerre avec les victoires républicaines autour de Madrid et de Guadalajara au printemps 1937 (pour faire très simple). Teruel est évoqué dans le roman dans la dernière partie et se présente comme une mission ponctuelle héroïque qui fait intervenir l'aviation républicaine avec l'objectif stratégique de soulager l'offensive sur Guadalajara. D'ailleurs, c'est à cette occasion, que s'illustre la fameuse escadrille commandée par Malraux. Plus tard (fin 1937), hors roman, Teruel deviendra un point clé de la reprise en main des nationalistes sur les républicains.
Le film n'illustre donc qu'une petite partie du roman et ne couvre certainement pas la totalité du conflit. Par contre, il illustre parfaitement le manque général de moyens de la partie républicaine qui doit user d'astuces pour se maintenir à un niveau acceptable face aux nationalistes. Témoin, cette scène où la population défile avec toutes sortes de récipients pris dans leur logement pour confectionner des bombes en utilisant leur stock de dynamite.
Ce que je retiens surtout du film, c'est la magnifique scène où les pilotes, blessés ou morts dans la chute de leur avion dans la montagne, sont descendus sur des brancards et accompagnés par une nombreuse population silencieuse et solidaire. Je me fous un peu de savoir si la scène est historique ou pas, c'est juste que le symbole est très fort.
Pour l'aspect historique, Malraux occulte beaucoup, voire complètement, les nombreuses dissensions du camp républicain en laissant l'illusion d'une unité. On sait aujourd'hui qu'il n'en était rien et que le fonctionnement du camp républicain était d'autant plus complexe qu'il y avait de nombreuses influences, pas forcément convergentes, espagnoles (anarchistes, communistes, socialistes) y compris étrangères à travers "les brigades internationales".
En revanche, le film fut tourné partiellement à Tarragone ou ses environs en 1938. Puis à la chute de la Catalogne en janvier 1939, l'équipe de tournage retourne en France pour achever le film. Interdit par Daladier avant sa sortie, le film fut sauvegardé et sortit en salles en 1945. Au moment de la Libération, le film était d'abord un témoignage d'actes de résistance de combattants de tous bords alliés contre l'ennemi commun en Espagne. Ce n'était guère le moment de pinailler sur le comportement des staliniens dans le camp républicain lors du conflit espagnol …
Aujourd'hui, le film est un témoignage, je dirais parmi beaucoup d'autres. D'un point de vue technique, avouons que la mise en scène n'y est pas terrible entre les petites maquettes un peu trop visibles et les scènes abruptes avec des jeux d'acteurs un peu simplistes. Je pense qu'il faut en rester aux aspects symboliques d'un combat juste mais perdu contre un pouvoir nationaliste qui s'était installé (illégalement) à la faveur d'un coup d'état, soutenu par les forces en expansion de l'Axe.