J'avoue être assez déçu.
Si il y a dans l'esquive une volonté louable d'accorder une fiction universelle à un espace urbain peu (et souvent mal) représenté par le cinéma, si évidemment Kechiche fait souvent ressortir le vrai du plan, si il capte avec brio ces regards, ces palpitations adolescentes si émouvantes, l'Esquive en reste au stade de l'essai. Formellement c'est à faire passer Visitor Q pour un chef d’œuvre de la photographie, mais bon, ce n'est pas le plus important, les premiers films de Pialat aussi étaient très maladroits. Et pourtant, ici, Kechiche ne lui arrive pas à la cheville. Parce que dans l'Esquive il n'y a pas de respiration, c'est verbeux, étouffant, épuisant, interminable. Ce n'est pas tout de capter le vrai dans les visages, certes Kechiche crée des moments de cinéma comme dans la scène de répétition entre Lydia et Krimo (très belle scène, très réussie, pleine de tension je dois dire), mais ces beaux moments sont noyés sous une avalanche d'autres scènes bien moins réussies (surtout quand Sara Forestier n'est plus là...). Et il y a trop de dialogues, on veut nous imprimer ce langage de banlieue dans les tympans comme pour nous crier "oui, regardez comme ils parlent les jeunes là bas", mais cet effort de reconnaissance devient vite agaçant, et le film démonstratif (je parle même pas de la scène de contrôle), en plus de s'éparpiller.
Et à cause de ces maladresses formelles (de plus, le découpage trop cut empêche de réellement s'émerveiller devant un visage, des mouvements, et donne une insupportable sensation de faux alors qu'il aurait été tellement plus juste de laisser un peu durer certains plans) et de cet aspect bourratif, on a vite l'impression d'être devant un feuilleton.
Trop de tâtonnements, de séquences lourdes ou inutiles dans ce film qui aurait mérité d'être plus léger et de se concentrer sur ces moments de vérité et de tension que Kechiche est un des rares à savoir créer.