Dans un premier temps, le film s’axe sur une poésie caractéristique de Kitano. Cette dernière est extrêmement marquée dans ce film et même surlignée. En effet, la musique de Joe Hisaishi influe énormément sur le caractère de l’œuvre, elle vient remettre une couche et donc l’addition de deux formes poétiques créent un sentiment de débordement. La poésie est donc surreprésenté et s’affirme par la faculté que l’œuvre a, à intervenir par des symboles. Mais aussi, elle intervient par des couleurs et une esthétisation des plans tandis que ça n’en avait pas vraiment nécessité. Kitano doit avoir confiance en ses plans qui forment une poésie à eux seul. Un cadre simple du réel suffit à poétiser la vie. Kitano lui même y suffit car le personnage Kitanesque émane cette sensation. Lorsque cette atmosphère se dégage et bien, cette sensation bien précise d’été se retranscrit à merveille. Tout cela mélangé au lyrisme et le mélange est parfait. Seulement, le film souhaite lui, souvent surligner son décors avec de belles couleurs qui finalement montre un côté superficiel de l’action et cela laisse trop place à la visualisation d’un décor et l’effacement d’un lieu réel.
Dans ce sens, le réalité du film peut paraître aussi tronqué est pour ce faire, des actions qui entretiennent une gravité qui pourtant ne sont pas à la hauteur de la réalité. Le reproche n’est pas total car j’attribue le film majoritairement ou en partie pour enfant. Et je dois avouer que c’est un très bon film pour ces derniers. Là où je veux en venir est que le film se partage entre deux aspects bien représentés par cette facette du film, qui est la faculté à alterner entre des séquences ayant un rapport réel avec la gravité qu’il convient d’avoir et une facilité de sortie d’impasse et de péripéties provoqués qui se doivent d’être convoqués d’une manière plus grinçante. Je pense à la scène du pédophile qui bien sûr ne rencontre pas un chemin réaliste et se contente d’esquisser le schéma de la réalité afin que les plus jeunes adoptent tout de même les réflexes attendus dans ces moments. Il ne faut tout de même pas se méprendre car Kitano garde une touche de subversivité et se permet de démontrer des péripéties qui relationnent avec la matière et ont des conséquences plus nettes. Souvent cela va calmer le ton un peu comique en le ramenant à la réalité. Comme exemple j’ai le litige avec le camionneur qui se déroule sur un plan large très intéressant qui laisse un échange comique entre Kitano et ce dernier et se conclut par un bon rappel à l’ordre de Kikujiro. Ensuite le calme s’impose et les scènes défilent dans un silence qui en dit plus que ce que Hisaishi a produit durant tout le film. Car les causes ont des conséquences et sont donc autant instructrices vis à vis du spectateur. Le non-ressenti de la matière se dégage aussi dans les vêtements des protagonistes et le rapport à la matière des vêtements eux-mêmes. Cela aurait pu nous encrer dans un réalisme profond car le film d’errance comme ce dernier nécessite la nomination des besoins «vitaux» comme les habits ou bien la nourriture qui sont à mon goûts trop négligé alors qu’ils sont la base pour nous encrés dans une réalité profonde. Je comprends en tout cas l’initiative qui se veut plus enfantine et je salue tout de même l’essai de vouloir incorporer un rapport à la dangerosité de la réalité, avec ce que j’ai enfoncé plus tôt.
Finalement le film vascille entre séquence plus mature et séquence enfantine et donc compense, créant un équilibre qui à mes yeux à le mérite d’être salué. Il crée cette ambivalence que j’apprécie, cette ambiguïté.
Aussi dans une catégorie différente mais semblable à la case enfantine du film, on y retrouve un fort didactisme, qui vient se rajouter tout du long du film. Il s’affirme autant auditivement que visuellement. Dans une premier temps le film s’exprime explicitement sur l’intrigue et son déroulé de manière trop éloquente pour le peu de complexité que représente le film. Surtout que cela vient desservir le côté empathique par sa manière d’être prévisible. Principalement l’intrigue maternelle qui est dévoilé d’une manière assez téléphonée et affecte grandement l’intérêt à déceler qu’est-ce qui bloque dans cette histoire et finalement qu’est-ce qui va bien se produire. On sait pertinemment que sa mère aura refait sa vie et au vu de comment l’entourage de masao spécule à propos de son passé, on s’en doutait très fortement. Tandis que si on avait simplement fait abstraction et que petit à petit la vérité aurait été découverte par les gestes du réel et bien cela aurait bien plus poignant. Cela contraste et affirme encore plus le côté ambivalent de l’œuvre par le fait que parfois Kitano rend imprévisible les scènes car il décide de ne pas intervenir par la parole et désigner un personnage censé dire quoi penser au spectateur d’une scène, comme exemple je peux citer lorsque Masao fait le tour des logements de ses amis et que l’ on montre simplement de manière mécanique les uns et les autres simplement être absents. Cela renforce bien l’idée d’abandon et d’exode de la ville créant un isolement particulier, celui de l’été.
Autrement, c’est visuellement que l’emporte le didactisme, lorsque que Kitano opte pour une mise en scène assez démonstrative par moment. Elle vient briser une subtilité que le plan large par moment en place installe très bien. Par exemple lorsque Kitano dévoile son tatouage on peut interpréter que c’est un ancien Yakuza, seulement, il est montré dans un gros plan avec un effet qui vient produire un dérangement, au lieu de simplement isoler son dos et laisser le spectateur le repérer et se faire son interprétation. Beaucoup de scènes ne laisse pas le choix à l’interprétation, telles que la scène après la réussite du pari ou les deux protagonistes profitent de leur butin et nous les retrouvons avachis le lendemain matin dans leur lit. De là, nous pouvions élaborer toutes les théories que l’on souhaitait et façonnés la soirée qu’ils ont pu passée à notre convenance. Cela laisse le spectateur réfléchir et enrichir la flatterie du rapport metteur en scène envers ce dernier. Pourtant la scène illustre bien le contraire, avec une nouvelle scène plutôt inventive certes mais qui explicite le sujet de leur soirée (avec des femmes et de l’alcool…).
Je dois quand même avouer m’être bien amusé devant le comique du film qui est très bien manié. C’est cette touche de doux-amer chez Kitano qu’il y a pratiquement tout le temps dans ses films. J’avoue préférée l’humour grinçant de Jugatsu, mais il y’a dans cette œuvre une manière de dissimulé le comique dans le plan, tout en le contrastant en le faisant réapparaître d’une manière clinquante et cela marche. Il vient au diapason de l’atmosphère générale du film qui se place dans une ambivalence adulte/enfant et qui me convient parfaitement.
Finalement vous l’aurez compris le film n’est pas à mes yeux un chef d’œuvre tel qu’on le dépeint, et n’est pas mon Kitano préféré. Malgré tout, je remet cela sur le compte d’une œuvre pour enfant qui trouve tout de même une dialectique lorsqu’elle se rapporte à être faite pour les adultes.