La cafetière toujours prête pour le visiteur impromptu

Voilà un film de Pierre Granier-Deferre que j'aime beaucoup pour de multiples raisons ; je l'ai découvert à sa sortie en 1982 et l'ai revu plusieurs fois, toujours avec un plaisir, jamais démenti…

D'abord, situons le contexte. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de Simenon (que je n'ai jamais lu parce que ça ne s'est pas trouvé). L'équation Granier-Deferre / Simenon marche assez bien, que ce soit avec les enquêtes de Maigret ou ses romans. Ce film ne sera pas une véritable enquête policière (on sait à peu près tout rapidement) et il n'y aura pas énormément d'action. Je qualifierais plutôt le film d'études de caractères. L'action se déroule principalement en Belgique, dans une cité minière de Wallonie, plus exactement et les quelques plans montrant la ville suffisent à respirer l'authenticité. Comme l'intérieur (cossu mais simple) de la pension de famille qui réunit plusieurs catégories de personnes très différentes mais qui cohabitent dans une chaleur familiale bon enfant. Avec la cafetière qu'on imagine toujours prête pour le visiteur impromptu… Comme dans toute maison du Nord de la France ou de Wallonie qui se respecte.

La maîtresse de maison, c'est Madame Baron, c'est Simone Signoret. Une femme entre deux âges, d'aspect rébarbatif mais le cœur sur la main. Honnête. Travailleuse. Soucieuse du bien-être de chacun. Elle ne peut s'empêcher d'aimer ses filles même si elle les rabroue et même si les filles … enfin, passons …

Mais je voudrais surtout saluer cette actrice qui, à ma connaissance, a toujours pris les rôles correspondant à son âge. Qui n'a jamais voulu tricher avec son âge. Pas de minauderie ni de cabotinage ni de chirurgie esthétique. La vérité des prix. La sincérité. Que ce soit chez Granier-Deferre, Melville, Corneau ou Allio. Elle n'a plus que quelques petites années à vivre mais Granier Deferre a su capter son regard bleu inflexible dans lequel je crois deviner une envie de rêver. Et dans ce film, on la sent vibrer aux sons de la voix caressante et séduisante de Noiret.

Ah, Noiret dans ce film. Il joue Monsieur Édouard, un rôle plus qu'ambigu (je n'en dirai pas plus) mais il joue surtout le désenchantement. Précédemment, il était le "favori" (le gigolo, l'aventurier, l'amant de cœur, que sais-je ) d'une chanteuse égyptienne renommée et peut-être en fin de parcours. On devine qu'elle a été charmée par ce fringant français. À sa mort, il se retrouve à la rue, poussé par la famille, de retourner en France. Comme il emporte dans ses affaires quelques enregistrements, on écoute quelques extraits de voix arabe que je n'ai pas réussi à identifier (Oum Khalthoum, Feyrouz ??). C'est un détail du film mais qui contribue fortement à mon appréciation car j'ai toujours été fasciné par ces grandes voix orientales, sensuelles, sucrées mais fortes, languissantes, mmmm, irrésistibles …

Ensuite, il y a les deux filles de madame Baron. Il y a celle jouée par une excellente Fanny Contençon, peut-être dans un de ses meilleurs rôles au cinéma. Le personnage vit "l'aventure", ce que le personnage de Signoret, sa mère, n'a jamais connu. D'où une relation mère-fille musclée mais où, paradoxalement, la fille cherche à protéger sa mère contre le fringant Noiret.

N'oublions surtout pas la deuxième fille de Madame Baron jouée par Julie Jézéquel (que je ne connais pas bien) mais qui a une belle présence, une belle impertinence dans ce film.

Et puis tous les pensionnaires dont j'aime sentir leur respect pour Madame Baron, leur volonté, en douce, de la protéger …

Et puis Jean Rougerie, une gueule du cinéma de cette époque, dans le rôle de monsieur Baron, cheminot et fier de l'être.

Oui, en conclusion, j'ai beaucoup de tendresse pour ce film sombre qui n'a probablement pas de grande prétention mais qui est très bien joué. Où on s'y sent bien, où on voit, peut-être pour la dernière fois, Simone Signoret dans un grand rôle.


JeanG55
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le 18 déc. 2024

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