Jean-Pierre Jeunet quitte les pavés pour



les grands espaces américains



et adapte un roman pour enfants avec The Selected Works of TS Spivet, de Reif Larsen. Road-movie initiatique, questionnement du deuil, communication familiale et filiation, le réalisateur français aborde de nouveaux thèmes et s’essaye à un semblant de nouvelle forme.


TS Spivet est un jeune génie de dix ans plus à l’aise avec les sciences qu’avec les gens. D’autant plus depuis qu’il porte la culpabilité de la mort de son frère jumeau, lors d’un accident de fusil dans la grange du ranch familial. Invité à Washington pour présenter son invention révolutionnaire d’une machine à mouvement perpétuel entraînée par magnétisme, il part seul, aux premières lueurs de l’aube, traînant sa lourde valise sur un chariot jusqu’aux rails du chemin de fer où il s’embarque, vagabond clandestin, sur un train de marchandise vers l’est.


Dans la mise en place générale, dans la présentation des personnages, le cinéma du français apparaît, les gimmicks proches du j’aime et j’aime pas, les fenêtres d’illustration. C’est un long tiers du film, la vie au ranch, la famille Spivet, les relations en acte plus qu’en parole, la frustration d’un gamin à l’esprit trop vaste pour la simplicité des grands espaces. Puis le môme prend le train et le road-movie ferroviaire a des allures, évidemment, de Natty Gann, mais surtout d’A Straight Story de David Lynch : un rythme doux qui laisse au voyageur le loisir d’appréhender le monde autour de lui et de se recentrer sur lui-même. Plus qu’un voyage vers quelque part,



il est question alors de fuite.



Fuite de cette maison de silence, fuite désespérée de cette culpabilité qui pourtant l’accompagne, physiquement, fuite éperdue et vaine.


« Un jour peut-être moi aussi je recommencerai à gober les lucioles. »


Le dernier tiers accumule trop de propos secondaires pour se concentrer sur le message. Entre la critique des récupérations médiatiques d’un phénomène au détriment de la vie privée d’un enfant, et les facilités scénaristiques qui ne traitent jamais de l’aberration, aujourd’hui, d’un gamin de dix ans seul à travers le pays, seul à Washington, le réalisateur tente de débloquer la parole, essaye d’exprimer



le pouvoir libérateur de la parole après le deuil.



Il y a une hésitation dans la réalisation, dans le scénario même, qui empêche le réalisateur d’aller au bout de ses idées, une dispersion majoritairement guérie mais dont les traces dans l’ensemble échappent à Jean-Pierre Jeunet, interfèrent dans la fluidité de la narration. Pour autant L’Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux TS Spivet se révèle un agréable moment,



un très bon film pour les enfants,



à qui le message autour du deuil, aussi léger soit-il, sera suffisant pour avoir une idée des bienfaits de la communication. Rien de réellement extravagant sinon l’âge du bonhomme dans le vagabondage, parfois limite crédible, mais la maturité acquise par le gamin en un drame qu’il résout face à une salle d’inconnus est prodigieuse.


L’amour persiste. Les petits bonheurs se chargeront de meubler la vie.

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