L'héritage d'Anthony Quinn n'est pas que financier : il est surtout fait de haine. Derrière la boulangerie familiale qu'il ferme et les ponts coupés avec sa famille, il laisse une traînée d'animosité et un relent prématuré de cercueil. L'ambiance notariale et testamentaire nous fait comprendre qu'on commence par une fin. Au-delà du drame familial, Bolognini explore grâce à cela une transition bien plus grande qu'il effleure à peine pourtant.
Dominique Sanda retrouve un peu de sa propre jeunesse chaotique dans son rôle. Bourgeois et doué, son personnage Irene est également vicieux et manipulateur, et va devenir le parasite saprophyte de l'arbre généalogique malade des Ferramonti. Succube psychologique brillante, elle fertilise la haine afin d'y faire germer ses propres intérêts. Mais la haine, telle une mauvaise herbe, pousse ailleurs aussi.
Ce déplacement des affects est mis en parallèle de la transition économique italienne succédant au Risorgimento. Rome, nouvellement capitale, découvre son désir de grandir par tous les moyens et le dégoût d'elle-même que cela lui procure. Tout comme l'entremetteuse humaine qui se joue des sentiments, la ville transforme ce qui l'entoure par la séduction et des promesses. On l'aime et on la hait comme Irene est haïe et aimée, et l'on se sent à la fois grandi et trahi d'avoir eu affaire à elle.
Irene n'est pas que le parasite, et la famille dont elle abuse n'est pas juste un arbre. Ensemble, ils sont toute une forêt qui pousse. Les Ferramonti sont l'Italie. Irene est le progrès.
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