Dans la société que dépeint L'Histoire De Souleymane, tout n'est que pression, tension, bruit, horaires serrés, brutalité.
Dans cette société, les êtres sont anonymes et interchangeables, leurs récits intimes inconnus et en fait sans grand intérêt pour beaucoup, résumés à quelques caractères sur un écran d'ordinateur.
Dans cette société, le capitalisme uberisé semble à son apogée, provoquant des ravages incommensurables. Se montrant dans son habit d'esclavage moderne, il monte ses pions les uns contre les autres, tous incapables de rien pour personne, tous irresponsables, tous au service d'une machine dont ils dépendent et qu'ils participent activement et machiavéliquement à enrichir.
Dans cette société, personne, ni le voisin ni l'amie à des milliers de kilomètres, ne s'imagine l'enfer vécu par d'autres. Dans cette société, ce sont pourtant ces autres qui vivent l'enfer que l'on désigne comme l'enfer des uns, leur cauchemar, leur peur panique, leur ennemi ultime.
De cette société, tout le monde en est le complice involontaire et impuissant. Se sentir coupable ne l'arrêtera pas.
Cette société c'est la nôtre, et la fiction, par ce medium qu'est cinéma, oblige à ouvrir les yeux et au décentrement, et prouve une nouvelle fois son rôle puissant et bienfaiteur de témoin, de mobilisateur, que le silence de mort qui accompagne le générique semble attester.