Certains pestaient déjà en regardant l'affiche et le sujet, encore un film social bien français ! C'est vrai, l'ambition est bien de nous faire partager un court instant le courage et la détresse de "ceux qui ne sont rien" (les mots de notre président actuel). Et Boris Lojkine aborde L'Histoire de Souleymane par soustraction. Il n'y aura pas de grands discours, pas de cibles désignées et pas d'égarements. Ce sera du cinéma sans trémolos ni violons. Une ligne claire, droite et sans fioritures. Ne reste qu'une chose : l'authenticité. Ça peut sembler paradoxal puisqu'on parle d'un Art qui passe son temps à comprimer, manipuler, déformer. Et pourtant, on le ressent quand c'est sincère. Lojkine a juste à nous rapprocher de cette vérité nue qu'on croise tous les jours sans la voir vraiment. De ces Souleymane qui pédalent comme des dingues pour livrer leurs clients coûte que coûte, tant que peut les aider à obtenir une demande d'asile. De ces Souleymane qui y retournent tous les jours, tant ce que ça peut servir à ceux qui les exploitent. Du cinéma vérité donc, qui slalome entre les clichés et rappelle combien l'humanité tient parfois à peu de choses. Un bonbon donné par une serveuse, un échange avec une bonne patte qu'on aurait mal jugé une minute plus tôt, et un copain de dortoir qui essaie de calmer le jeu. Des instants fugaces qui offrent de vraies bouffées d'air à un galérien à qui on épargne rien. Lojkine a en plus l'intelligence de terminer sur une séquence d'entretien déchirante où la tension se dissout alors que Souleymane (Abou Sangaré, extraordinaire) fait sauter les derniers verrous qui le retenaient jusque-là. Ce qu'il reste, c'est l'émotion. Et d'évidence, elle n'est pas feinte. On le savait déjà mais alors que les lumières se rallument, on a envie de le crier : hors de question de lâcher Souleymane.