Prenez un livre épais comme David Copperfield (non, pas le magicien), ouvrez-le à la première page, et arrachez à pleines mains les pages pour n'en laisser qu'une sur dix environ. Voilà, vous tenez L'Histoire personnelle de David Copperfield. Soit un film qui mise beaucoup sur le caractère conciliant que le spectateur a devant une œuvre qu'il ne connaît pas bien ("c'est peut-être comme cela dans le livre..."), sur son adjectif "personnelle" qui constitue le titre (donc implique un point de vue du personnage un peu biaisé sur l'histoire) et sur son casting cinq étoiles (Dev Patel, Peter Capaldi, Hugh Laurie, Tilda Swinton...) pour vous faire avaler un scénario complètement abracadabrant. On se rappelle de la version téléfilm avec le jeune Daniel Radcliffe (son premier rôle), qui en 3h nous avait laissé un goût de bonne adaptation, fidèle sans excès et au scénario solide. Ici, tout l'inverse. On ne sait jamais pourquoi tel personnage déboule de nulle part, pourquoi il dit des paroles sans aucun sens (pour nous, en tout cas), où il repart, c'est bien simple : on ne comprend rien dans ce joyeux fatras. On se pose la question de savoir d'où sortent ces dialogues : "Oh, vous avez quoi, sous le bras ? / Un bout de mur. / Bien.", ou "J'ai les pensées de Charles X qui m'arrivent en tête, sans cesse... / Le roi décapité ? / Oui ! Regardez, j'ai tout noté sur ces papiers... / Et si on en faisait un cerf-volant ? / C'est brillant !", voilà un peu sur quel genre de dialogues insensés vous tomberez (en vous répétant pour vous-même "mais pourquoi ?!" environ cinq cents fois), dans un enthousiasme général qu'on ne partage pas, du simple fait qu'on ne le comprend pas. On passe du coq à l'âne, on a l'impression de sauter des passages entiers du livre (il fait le tour des hébergements comme la tournée des bars, cela va trop vite), on a un air de déjà-vu constant (l'ouverture avec le personnage qui commente sa propre naissance exactement comme dans Tristram Shandy, quand ce n'est pas tout le reste qui ressemble - forcément - à du Oliver Twist). L'humour est bas de plafond (on a envie de gifler le personnage qui répète toujours les répliques des autres) et même si l'on adore Dev Patel (à jamais notre Jamal Malik adulé) on ne peut pas dire qu'il soit étincelant dans ce rôle où il court après l'intrigue. Un peu comme nous, d'ailleurs, qui faisons le relais-400m haies pour tenter de justifier les trous béants laissés par le scénario qui se fiche de nous, avec des dialogues aberrants qui nous achèvent, c'est l'implosion assurée. On aurait encore préféré le magicien, car à la fin du film, on arrive à faire le tour de la fumée qui nous sort par les oreilles...