Au commencement était un best-seller : Die Unendliche Geschichte, rédigé par Michael Ende et édité en Allemagne courant 1979. Dans l'idée de créer une adaptation cinématographique, Ende structure lui-même le script du film, condensant la longueur de son roman pour en permettre une fidèle réappropriation live. Mais, à son insu, le scénario original est remanié par le réalisateur Wolfgang Petersen, tout juste promu nouveau roi du cinéma germanique suite au triomphe international de son précédent film, Le Bateau. Aux côtés du scénariste Herman Weigel, le cinéaste réorganise à sa manière le travail de Michael Ende qui désapprouve non seulement l'attitude de Petersen mais également le résultat final, estimant que le film tel qu'il a été conçu ne capture en rien la substance métaphysique de son roman, se contentant de reprendre quelques images, décors et personnages qui perdent de leur signification car sortis d'un contexte général bien plus approfondi dans l'histoire originale.

Une première version du film sort en Allemagne en avril 1984 et s'avère être un flop commercial. Inquiets, les distributeurs américains font appel à deux producteurs pour remanier une nouvelle fois le tout. L'Histoire Sans Fin se voit ainsi remonté et lacéré de plusieurs scènes. La musique originale est remplacée par une (horrible) partition synthétique du célèbre Giorgio Moroder et Petersen, impuissant, assiste à ce qu'il nomme un "massacre".

À sa sortie internationale, le film est pourtant un énorme succès public. Il touche ainsi le cœur de toute une génération d'enfants happée par la merveilleuse aventure de Bastian, un écolier dévasté par le récent décès de sa mère et inlassablement brimé par trois de ses camarades. Bastian est un chouette garçonnet qui aime se réfugier dans la lecture et le rêve. Après avoir emprunté un vieux grimoire à un libraire, il se cache dans le grenier de l'école et se plonge dans l'étrange destinée de Fantasia, un monde qui n'existe que grâce à l'imaginaire et aux rêves collectifs de l'humanité, mais qui est en passe d'être absorbé par le Néant. En effet, cet univers féérique, concrétisé par les rêves des humains, se trouve peu à peu désintégré, l'Homme ne sachant plus rêver face à la nouvelle société de surconsommation qui étend son fléau aux quatre coins du globe. Au fur et à mesure qu'il poursuit sa lecture, Bastian va peu à peu influer dans cette autre dimension et faire partie intégrante du destin de Fantasia en jouant le rôle de médiateur entre les deux univers. Sans le savoir, il est celui qui, de par son courage et son esprit, peut sauver Fantasia. Son alter ego dans la terre des rêves, c'est Atreyu, un jeune guerrier chargé de trouver un remède à l'étrange maladie qui s'est emparée de l'impératrice Childlike, une adorable et douce enfant victime d'un mal qui n'est pas sans rapport avec la terrifiante progression du Néant...

Avec ses 27 millions $ investis dans le projet, L'Histoire Sans Fin a bénéficié de l'appui financier nécessaire pour rendre tout à fait crédible son univers fantaisiste, héritier en ligne directe de ceux imaginés par L. Frank Baum ou J.R.R. Tolkien. Avec l'appui de Steven Spielberg qui, selon le magazine Mad Movies, aurait participé à la direction artistique du montage final sans être crédité au générique, il va sans dire que l’œuvre trouve son principal intérêt dans le travail visuel qu'elle nous laisse admirer et qui n'a pas forcément mal vieilli 40 années plus tard, plus que dans sa matière thématique assez simpliste et renouant avec les contes et légendes anglo-saxons, dans laquelle se retrouve le thème éternel de la lutte entre le Bien et le Mal. entre la lumière et l'obscurité, ou ici, entre la Vie (le rêve) et le Néant (le consumérisme).

En clair, avec la dimension métaphysique chère à Michael Ende, le film aurait certainement gagné un développement plus réflexif sur le pouvoir du rêve et ses conséquences. En lieu et place, L'Histoire Sans Fin atteint néanmoins son but à offrir du rêve à ses spectateurs qui ont su conserver leur âme d'enfant et reste un pur produit de distraction doublé d'un chouette moment de voyage dans la dimension du merveilleux. Ce qui n'est déjà pas si mal face aux nombreux remaniements que le film a manifestement subi.

candygirl_
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mes films / BD & DVD, Films visionnés en 2023 et Les meilleurs films de 1984

Créée

le 21 juil. 2023

Critique lue 22 fois

6 j'aime

2 commentaires

candygirl_

Écrit par

Critique lue 22 fois

6
2

D'autres avis sur L'Histoire sans fin

L'Histoire sans fin
LeDinoBleu
8

Un Récit éternel

À une époque où le genre de l’heroic fantasy connaît une popularité sans précédent, il ne paraît pas incongru de rappeler qu’il n’entretient avec les légendes traditionnelles qu’un rapport en fin de...

le 17 août 2012

40 j'aime

L'Histoire sans fin
Bolosse
1

Titre mensonger.

Ce film est une escroquerie, on nous vend une histoire sans fin alors que le film s'arrête au bout de 94 minutes, Ils auraient dû appeler ça "L'Histoire qui dure 1h34". En plus ils ont copié sur Game...

le 19 août 2016

36 j'aime

5

L'Histoire sans fin
SimplySmackkk
8

L'Aventure sans fin

Revoir L’Histoire sans fin au moins deux décennies après n’a pas été sans émotions. Sans aucun souvenir ou presque du ou des visionnages, avec la certitude presque complète de ne pas avoir possédé la...

le 15 août 2023

34 j'aime

11

Du même critique

Voleuses
candygirl_
5

French Cat's Eye

Adaptation filmique de la BD franco-belge La Grande Odalisque, elle-même très inspirée par le manga Cat's Eye, Voleuses est un divertissement made in France qui vise essentiellement le grand public...

le 1 nov. 2023

29 j'aime

2

Nosferatu
candygirl_
8

Seigneur et saigneur

Dans une vieille interview, Terence Fisher affirmait que la principale origine du vampire dans la culture occidentale remonte à l’apparition du serpent qui, dans la Bible, tente Ève et lui fait...

le 26 déc. 2024

14 j'aime

6

Rue Barbare
candygirl_
7

Y'a peut-être un ailleurs...

J'avoue ne pas comprendre le principal reproche fait à Rue Barbare. "Ça a vieilli" peut-on lire de-ci de-là. Bah oui, normal, le film fêtant ses 40 ans cette année, il n'est plus tout jeune...Au-delà...

le 21 sept. 2024

10 j'aime

7