Avant d'aller voir L'homme aux mille visages d'Alberto Rodriguez, le réalisateur de La isla minima, il est fortement recommandé de se documenter quelque peu sur les affaires de corruption qui ont marqué l'Espagne dans les années 90. Et en particulier sur l'affaire Roldan qui donne chair au scénario. Quoique le personnage principal en soit évidemment Francisco Paesa, énigmatique escroc multicartes. Tout en précisant que le narrateur est un troisième larron qui a tout vu mais pas nécessairement tout compris. Comme le spectateur à vrai dire, embarqué, au moins dans sa première partie, dans une histoire complexe où les faux-semblants ne font pas semblant. Un récit dont le "héros" est un menteur professionnel et dans lequel il faut toujours se méfier des apparences. C'est malin de la part de Rodriguez que d'avoir ainsi épousé le sens de la feinte de Paesa mais c'est au prix d'une intrigue difficile à saisir et embrumée. Grand amateur des films américains des années 70, le cinéaste est un virtuose de la manipulation et de la confusion. Alors, mieux vaut se laisser aller, quitte à ne pas tout comprendre des tenants et aboutissants. Il y a dans L'homme aux mille visages la même fascinante description d'un monde opaque que dans un bon vieux film d'espionnage en noir et blanc. De cet exercice ultra stylé on retient le brio et l'on regrettera juste un côté glacé et une absence totale d'émotion. Mais il est vrai que ce n'était pas dans le cahier des charges d'un film que Rodriguez qualifie lui-même "de plus artificiel" qu'il ait jamais tourné. Ce qui ne l'empêche pas d'être on ne peut plus séduisant.