Dans la filmographie de Delmer Daves, Jubal est un western mineur, pas tant par sa thématique, basée sur la psychologie des personnages que par son importance en tant que genre. Daves a fait mieux c'est indéniable, 3h10 Pour Yuma, La Flèche Brisée, lui sont supérieurs. Néanmoins, tant visuellement que thématiquement, L'Homme De Nulle Part est un western intéressant. Esthétiquement on retrouve la patte d'un grand réalisateur du cinéma classique US, il sait magnifier les paysages somptueux du Wyoming avec un scope impeccable, et surtout , à la manière d'un John Ford, toute proportion gardée, il sait filmer les grands espaces.
Les personnages sont un objet du plan et non l'inverse. La distribution de ce western de série B est plus qu'intéressante, on y retrouve Glenn Ford l'un des acteurs fétiches de Fritz Lang, voir son superbe The Big Heat, dans un rôle à sa mesure, celui de Jubal un cowboy qui vient de nulle part, recueilli, blessé par le rancher Shep Horgan, interprété par l'une des vraies "gueules" du cinéma américain, Ernest Borgnine (La Horde Sauvage, Les 12 Salopards) qui en fait son poulain. Jusqu'ici tout va bien, sauf que ce dernier a une épouse , la splendide, Mae, Valerie French, qui fait de l’œil au bel inconnu. Et c'est de cette relation ambiguë que naît tout l'intérêt du film.
La dualité, thématique majeure du western, se retrouve ici dans une sorte de maelstrom basé sur les relations autour de ce joli personnage féminin, sorte de femme fatale, directement sortie d'un autre genre majeur du cinéma classique américain, le film-noir.
Les "gueules" en question, notamment un Rod Steiger (Amytiville, Il Etait Une Fois La Révolution,...) jaloux, Charles Bronson jeune premier, déjà charismatique, ne cesseront de se chamailler et l'inéluctable finira par arriver. En gros les appétits mâles souhaiteront être assouvis, et comme dans l'ouest on utilise les colts, il y aura des morts...
Intéressant pour son aspect psychologique et son esthétisme, ah ces paysages montagneux américains... Jubal, reste néanmoins un western de facture trop minimaliste pour devenir un classique du genre. A découvrir quand même, pour son interprétation et sa touche résolument héritée du film-noir.