Le genre de spectacle frustrant, car les ingrédients de base sont bons, mais certains aspects du film apparaissent trop peu travaillés ou simplement ratés, aboutissant à un résultat final inégal.
Clairement, le choix du tandem central antinomique composé de Jean Rochefort et Johnny Hallyday constitue l'atout numéro 1 de "L'homme du train". On est très loin du contre-emploi, mais justement cela permet à chacun de jouer sur son image publique (surtout Johnny) pour alimenter son personnage. Par exemple, voir le rocker essayer une paire de charentaises crée un décalage amusant qui fait sourire.
Les situations et dialogues demeurent assez inégaux, entre inspirations brillantes (la symbolique est utilisée intelligemment) et constructions artificielles. Mais le duo fonctionne bien, et on suit leurs échanges et leur rapprochement avec intérêt, ainsi qu'une certaine tendresse.
Parmi les bons points, il faut également souligner la photo très soignée, qui rappellera dans un autre registre celle de "Monsieur Hire", d'autant que l'atmosphère provinciale de "L'homme du train" évoque parfois Simenon, de l'aveu même de Patrice Leconte.
Visuellement, le film tient la route, de la grisaille des petites rues d'Annonay jusqu'à l'ambiance défraîchie mais cosy de la grande maison.
Parlons maintenant de ce qui fâche, à commencer par l'esquisse d'intrigue policière imaginée par Leconte et son coscénariste Claude Klotz (alias Patrick Cauvin). Que le traitement du braquage s'avère minimaliste, c'est une chose, mais pourquoi choisir des complices aussi peu crédibles?
Et ce n'est pas l'arrivée tardive de Jean-François Stévenin qui change la donne, tant le comédien s'avère peu et mal exploité.
Plus grave encore, le dénouement mystico-onirique choisi par Leconte, à la fois confus, niaiseux et sans intérêt. On avait bien compris que les deux héros, hantés par les regrets, rêvaient plus ou moins consciemment d'échanger leurs existences. Dès lors, à quoi bon cette fin venant enfoncer le clou sans aucune subtilité?
Dommage, car cette issue bancale nous laisse sur une mauvaise impression, alors qu'une bonne partie du film s'était révélée savoureuse, voire émouvante, à l'image de certains seconds rôles : lors de leur unique apparition à l'écran, Maurice Chevit et plus encore Edith Scob sont ainsi à l'origine de deux scènes remarquables.