Ce n'est pas aujourd'hui encore que le canard se fera casser trois pattes...

Bon, eh bien, voilà.
J'ai espéré, jusqu'à la dernière minute ; et je fus eu, et bien eu.

Jean Rochefort, je t'ai suivi dans les Bœufs-Carottes, je t'ai acclamé dans Ridicule, et jusqu'à un restaurant de Mr.Bean je t'ai soutenu – Johnny, depuis L'Aventure c'est l'Aventure et jusqu'aux films récents, je t'ai trouvé une « gueule » qui convenait au cinéma, une vraie tête à taciturnes... mais là, là, c'est mauvais. C'est même pire : c'est décevant.

Si encore Patrice Leconte nous avait servi le navet du siècle, monté avec les pieds de l'assistant stagiaire, et tourné à la caméra de poing en trois jours... là, oui, critiquer aurait été jouissif. Bon, bien sûr, quelques plans sont lamentables, les répliques tombent à plat à rythme soutenu, et la fin relève du crime contre le celluloïd. Mais tout de même, le synopsis devait ne pas être trop mauvais.
Alors voilà, c'est le vieux mythe de l'homme venu de nulle part, du voyageur de passage, qui déboule en silence dans la vie du maniaque sédentarisé ; l'ennui contre le voyage, l'aventure contre l'habitude, une vieille idée, une belle idée. La photographie léchée du début nous offre d'ailleurs un excellent avant-goût, et le train et les ombres sentent bon le regard d'auteur.

Mais voilà, une fois que le mystérieux inconnu est descendu de son train, il reste une heure dix à remplir... et alors, nous virons dans le bon cinéma d'auteur français comme on l'aime, bourré de phrases-philosophiques d'une profondeur incomparable (« Rien ne s'oublie plus vite qu'un jardinier »), de situations aux confins de l'absurde pour prouver que c'est du cinéma moderne-de-chez-moderne (les personnages disparaissent d'un plan à l'autre, les plans sont coupés, centrés sur les jambes, les truands ne disent qu'une phrase par jour), et Patrice Leconte saupoudre le tout d'un peu de métaphores complexes, pour nous démontrer que l'artiste, c'est celui qui s'exprime par mystères. Pêle-mêle, vous découvrirez donc Johnny Hallyday donnant un cours de littérature de 4 minutes sur Balzac, une boulangerie ouverte en pleine nuit (un mythe !), et une palpitante scène du carrefour où deux voitures se croisent – ce qui nécessite de tonitruants gros-plans sur les lumières rouges. Admirable...
Bien, que dire, le tour a été fait... deux comédiens exceptionnels (un Jean Rochefort bien plus sombre qu'à l'ordinaire), mais embarqués dans un projet faiblard, et qui bat de l'aile. Rappelons une dernière fois que la fin est une insulte au cinéma, et enterre définitivement le projet.

Dommage.
Très, très dommage.
Wakapou
6
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le 11 janv. 2011

Critique lue 934 fois

4 j'aime

Wakapou

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