Cette année, je m'intéresse à la critique. C'est en deuxième année de Licence que je retrouve Mr. Sébastien, professeur avec lequel j'avais travaillé pour une analyse de Persona d'Ingmar Bergman publié il y a peu sur SensCritique. Ainsi, durant ce premier semestre, j'étudie l'histoire de la critique. Passant par Canudo, Delluc et bien évidemment Bazin, je ne pouvais échapper à l'arrivé de la Nouvelle Vague avec Les Cahiers du Cinéma.
La Nouvelle Vague m'a toujours paru ennuyeuse durant mes débuts de cinéphile. J'y entrai principalement avec Godard, personnage qui m'a toujours rebuté, et qui le continue encore aujourd'hui. Mais en explorant plus, je rencontrai François Truffaut. D'abord avec Les 400 Coups voir La Sirène du Mississipi au festival Lumière 2016, je continuai mes pérégrinations durant le confinement par le biais d'un compte Netflix temporaire, en découvrant avec joie Jules et Jim, Baisers Volés et quelques autres moins marquant. Et c'est à la suite d'un excellent cours sur Les Cahiers du Cinéma (d'où ma phrase d'introduction) ainsi qu'une mini rétrospective Truffaut sur Arte, je replongeais lors d'une soirée dans le cinéma français de la Nouvelle Vague.
Je savais que j'apprécié les films de notre chère auteur français, et à aucun moment, cette nuit, accompagné du dit film critiqué, ainsi que Vivement Dimanche, film purement Hitchcockien, je m'étais dit que j'allais m'ennuyer. Même mon paternel à fini par avouer qu'il s'était attendu à mourir d'ennui. Et pourtant !
Si je parle principalement de ce film, c'est parce qu'il m'a marqué, non seulement par ce qu'il raconte en son temps, mais aussi par ce qu'il me raconte à moi, en cette période. Bertrand Morane est un cavaleur, similaire aux compère des Valseuses. Je déteste ce genre de personnage, toujours dragueur, approchant de nombreuses femmes, les traitant comme des objets. Et pire encore, je déteste les films avec du culs ! Et c'est là que L'homme qui aimait les femmes arrive à renverser la donne. Le film est d'une profonde compréhensivité. On y suit un homme qui aime et qui cherche à comprendre, qui écrit pour trouver ce qui les rends si particulière. Et à aucun moment, le film ne semble vulgaire inutilement. Les scènes dites sexuelles sont ici filmé d'une manière sensuelle et discrète, juste ce qu'il faut d'amour pour être compris. Le personnage de Bertrand, interprété par Charles Denner, n'est jamais vulgaire, malgré les plans tordus qu'il se démène à trouver, il n'est jamais violent. Et par le génie de certaines phrases, il se rend compte de qui il est, ne cherchant jamais à blesser, mais à sublimé la femme.
On pourrait y voir dans ce film la version masculine de Nymphomaniac, en plus édulcoré, évidemment, mais gardant toujours à l'esprit ce simple terme qu'est l'amour, concept si chère à Truffaut dans son cinéma.
Ce qui m'a particulièrement touché dans ce film, c'est à quelle point il interroge la question de la place de la femme dans la société, du point de vue d'un homme. Et il ne pose aucun jugement clair, ne posant qu'un point de vue, une observation de cette époque. Et aujourd'hui, dans cette période de sociabilité controversé par un virus, poussant chacun à s'éloigner de l'autre, le film m'a frappé. Alors qu'on passe notre temps serré dans les transports en commun, écouteurs aux oreilles, portable à la main, moi je regarde. Cette manière qu'à le personnage de balader son regard autour de la gente féminine, cherchant à comprendre ce qui les rends unique, je la comprends. Non forcément dans une vision d'appétit comme pourrait l'avoir Bertrand, mais d'un regard admiratif. Et c'est ce que pose cet homme qui aimait les femmes. Il les admire, les rend sublime par ses descriptions, l'envie de les voir d'une certaine manière, cherchant à déterminer leur faits et gestes. Ce personnage peut sembler méprisable, pourtant, il me parait touchant.
Le film ne laisse pas de toute quand à son titre, et dès l'intro du film, on nous annonce la mort de son protagoniste. Tué par son obsession, Bertrand verra son rêve réalisé une fois mort. Un cortège uniquement féminin, venu lui rendre hommage. On y voit passer des visages, tous différent les uns des autres, chacune ayant une histoire, une manière d'appréhender le décès du héros. Tout le monde à son histoire, emprunt d'amour, jamais de haine. Seul la folie de l'amour règne en cet enterrement.
Le film, bien que raconté par un homme, est une ode à la féminité, qui ose tellement sans jamais devenir lourd. Et on ne s'ennuie pas. On s'engouffre dans ce projet qui semble fou, sans fin, nous emmenant dans les plans tordus du protagoniste. On peut être choquer un instant, perdu un autre, voir pris de pitié, aimant, chaleureux envers le personnage. Le film nous montre l'inconstance de ses personnages, dont chacun aura été une représentation durant un temps, celui vécu avec cet homme. Les femmes sont sublimé, chacune vivant dans leur propre difficulté, cherchant le réconfort chez cet homme culoté qui leur inspire pourtant confiance, sans jamais les trahir. L'amour ici est libre. Pas de mariage, pas d'attachement trop long, il peut paraître faux, mais n'a pourtant jamais été aussi réel.
Pourtant, on peut y voir de la perversion, de la misogynie, et à cela, je répond oui. Le personnage s'en rendra bien compte, mais ne le fera jamais pour attaquer, agressé. Il se voit comme un personnage tordu, mais cherche à se comprendre, à se faire comprendre à travers son livre. Son seul acte des plus reprochable serait son regard. Il demande à chaque fois, n'est pas comme ce vieux pervers au restaurant à tripoter la jupe de la jeune serveuse (qui lui renverra bien la pièce de sa monnaie).
Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie.
Par cette simple phrase, bien qu'étrange, Bertrand pose une forme de respect envers la gente féminine, lui conférant le pouvoir d'équilibre et d'harmonie dans la société. Une société qui n'a apparemment toujours pas compris cette égalité, mais qui tend à la trouver. Bertrand, et par la même occasion, Truffaut, qui ne fait que transférer sa pensée dans son cinéma, nous prouve qu'il y a matière à se comprendre dans une forme de respect entre femme et homme.