L'Homme qui n'a pas d'étoile par Teklow13
L’homme qui n’a pas d’étoile est un superbe western, mais un western singulier, très surprenant car il déjoue sans cesse les attentes que l’on peut avoir vis-à-vis de telle ou telle convention du genre. Le film n’hésite pas à faire basculer les enjeux d’une scène au sein d’un même plan, et ouvrir différentes pistes. Ca donne une vraie chair au film et aux personnages, quelque chose de beaucoup complexe sur le plan sentimental, moins archétypal, plus humain. Kirk Douglas, qui est génial ici, incarne cette densité. Tout à tour cabot, n’hésitant pas à faire son one-man show avec grimaces, gestuelles et banjo, et beaucoup plus intérieur et profond par moments. Il est la racine du film, toutes les intrigues lui sont rattachées et essentiellement les trois facettes du film à savoir une relation d’amitié, ou plutôt de fraternité, une dimension sentimentale qui tourne autour de deux personnages féminins, et un panorama historique. L’imbrication de toutes ces intrigues est formidable, mais c’est la dernière qui rend le film si passionnant, lorsqu’il aborde le morcèlement du territoire américain, le cadastre, l’appropriation des terres. En effet le personnage de Kirk Douglas est un cow boy, qui travaille alors pour un gros propriétaire, éleveur de bovins.
L’agrandissement des cheptels crée une concurrence qui pousse les propriétaires à préserver les terres, qui ne leur appartiennent pas légalement, pour faire paitre leurs bêtes.
Du coup il y a cette idée fantastique du film, peut être la plus belle, qui est celle du fil barbelé. Car ce simple film renvoie à la fois au passé de Kirk Douglas et à ses fantômes mais également remet en question toute l’histoire de l’Amérique et bien sûr le mythe du western.
Le barbelé c’est la scission des grands espaces, c’est la fin des grands mouvements, des grandes échappées, des indiens, c’est la fin de la liberté. Mais cet objet prend également une dimension quasi métaphorique, lorsqu’il s’agit d’évoquer les frontières entre les différents milieux et les différents personnages. King Vidor filme admirablement bien ce fil, en lui faisant raconter tout ça sans le moindre discours.