Film malade ou chef-d'œuvre inespéré ?
Il a fallu plus de 25 ans pour que l'on puisse admirer la vision du plus anglais des réalisateurs Hollywoodiens* sur l'oeuvre de Cervantès. Même sans se passionner pour le 7eme art, presque tout un chacun a entendu parler du don Quichotte de Terry Gilliam. Étant cinéphile et admirateur du bonhomme (oui toi là, je te laisse une place de coadmirateur parce que il le mérite) le rendez vous tant attendu prend encore une toute autre dimension. Voir ce film sans penser aux versions perdues, à Jean Rochefort et Johnny Depp est bien sûr impossible, surtout si on a pleuré, compati en regardant le documentaire catastrophe Lost in la Mancha. Il est donc évident que rentrer dans la salle cette fois là c'est un peu comme retourner dans le passé en regardant vers l'avenir, aller voir tous les films que ça aurait pu être en se concentrant sur le spectacle qui nous est offert pour arriver à l'apprécier simplement pour ce qu'il est.
Pour l'anecdote, l'amie avec qui j'ai pleuré devant les coulées de boue, les douleurs du cavalier français disparu l'an dernier a voulu être là, à mes côtés comme pour boucler la boucle et repousser la malédiction et me tenir la main pour que nous traversions le temps ensemble pour apprécier ce qui est sans imaginer ce qui aurait pu/dû être.
Venons en maintenant au film lui-même. Qu'en penser ?
Terry retrouve son Sam Lowry plus de 30 ans après qu'il est devenu oiseau et rend hommage à celui qui aurait dû incarner son Don Quichotte.
La version qui nous est donnée de découvrir est inspirée autant par Cervantès que par Mark Twain mais le film est du Gilliam pur jus et aucun aficionado ne pourra le renier. Le métrage n'est pas exempt de défauts mais respire la créativité, le respect du spectateur et l'amour de l'art.
Nous sommes dans Jabberwocky, partis à la quête du Graal avec 12 singes et Parnassus. Les initiés seront en terrain connu, les autres auront sans doute du mal.
De la lecture du roman de Cervantès à la sortie du film en 2018, les versions évoluent, les adaptations se succèdent mais le sujet reste le même.
Un réalisateur en vue est en train de tourner une adaptation du classique de la littérature espagnole et se trouve en panne 'inspiration, coincé entre son narcissisme puéril et la servitude des incompétents qui l'entourent. Par hasard, il tombe sur une copie de son premier film, son travail de fin d'étude, qui se trouve être également une adaptation du bouquin sus cité.
Mais c'est tiré d'un livre ? On a les droits au moins ?
Toby décide alors de retourner dans le petit village où ce film a été tourné dix ans plus tôt. Le nom du village annonce la couleur.
Los Suenos. Sauf que les rêves sont morts, désertés et partis en fumée. En espérant les faire revivre, le génie va se confronter à sa folie, son inconséquence et chercher à leur donner corps et matérialiser cette mince frontière entre le génie et la folie entre le rêve et la réalité. Les personnages qu'il croise n'ont pas grand-chose de réel mais semblent os sortis tout droit d'un livre d'images d'Épinal.
Adam Driver en égoïste, narcissique, hypocrite, vénal, misogyne est montré comme le double de Gilliam se voit confronter à la sincérité, la naïveté, l'idéalisme de ces personnes venues de nulle part et sortant de partout, à la fois de son passé et de son avenir. Son talent n'étant plus à prouver, il ne démérite aucunement face au grand Jonathan Price.
C'est dans la dernière partie que ces notions de temporalité, de double personnalité sont brillamment mises en images.
La négation de soi mène à l'anéantissement. Le respect de ses idéaux donne un semblant d'éternité dans l'accomplissement de ce en quoi l'on croît.
Terry croit en Don Quichotte, Terry réalise l'œuvre de sa vie. Terry est désormais immortel.
*Je sais que Terry est américain mais étant un Monty, il passe pour british.