Le fait de faire un cinéma de l’absolu esthétisant, avec de beaux travelings à travers des contrées austères, totalement expurgé de toute forme d’émotions autres que celles naissant naturellement de l’imagerie créée est en soit une gageure tout à fait honorable. Mais encore faut-il parvenir à en alimenter sa démarche des germes d’une cristallisation se parant d’émotions et d’empathie pour ses personnages
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Dans Ostrov, Lungin ne parvient jamais ne serait-ce qu’à donner l’illusion que son cinéma s’intéresse un tant soit peu à l’aspect humain, autrement que par ses envolées mystiques souvent fumeuses, voir embrumées par l’absence totale de propos.
Sous couvert d’esthétisme glacial il tend à justifier que son cinéma est conditionné par l’absolutisme d’un refus systématique d’alimenter le côté narratif de toute œuvre cinématographique viable, même si les vagues innovantes successives avaient légitimé ce fait, cette évidence dans le cas de ce film qui prend tous les apparats du cinéma du refus du récit pour n’exprimer rien d’autre qu’une curée opératique.
Alimenté fréquemment d’une photographie magnifique et d’une remarquable maîtrise du cadre, les longs travelings filmés à fleur d’eau sont de toute beauté, le film perd toute son aura par un manque total de discernement et n’est jamais transgressé autrement que par cette insistante façon de briller par son esthétisme. Nulle émotion ne venant agrémenter cette vision faussement élitiste qui ne peut même pas se pavaner de perdre le spectateur.
A se vouloir trop hermétique et dénué d’émotion ce genre de cinéma prend la même direction que celui qu’il méprise en permanence. Le vide absolu.