Une histoire de chiens abandonnés sur une île poubelle, seul Wes Anderson pouvait s'en sortir avec une idée pareille !
Et il s'en sort même à merveille, déjà en termes de réalisation il n'y a aucun doute, c'est bien Wes Anderson et on le comprend dès les premières secondes avec sa narration si particulière qui rappelle en un sens celle de The Grand Budapest Hotel. L'animation est superbe et permet au cinéaste de créer et mettre en forme un style et une vision qui lui est propre, avec un contrôle absolu de son univers et tout en gardant bien évidemment la sève de son cinéma, entre mouvements de caméra lisses et plans d'une parfaite symétrie. Sans oublier les musiques se posant en tant qu'accompagnement parfois dans la tension, parfois dans l'onirisme, mais toujours au bon moment.
Si le scénario ne sera pas la qualité principale de l'œuvre, on peut compter sur Wes Anderson pour aller plus loin dans l'interprétation, faisant de ses chiens, ses humains, un prétexte à aborder des thèmes plus actuels. Il invite son spectateur à réfléchir, à se positionner sur sa propre condition, ses propres choix ; serions-nous à la place de ces gens qui huent ceux avec une opinion différente ? Ferions-nous confiance à une seule personne ? L'île aux Chiens démontre –dénonce- avec une certaine subtilité les choses dont nous sommes pourtant confronté tous les jours, entre mensonges, manipulations, corruptions, expériences (in)humaine et violences pour faire régner "l'ordre" -faire taire le peuple-.
Perdu sur cette île, livrés à eux-mêmes, les chiens font de leur mieux pour survivre, mais restent unis malgré les méfiances dû à la conscience de leur condition. Ils deviennent une parabole de notre société, étudiants en colères, entre-aide entre culture, révolution pour mettre au grand jour les excès du pouvoir du traditionalisme extrême, tout est pensé pour être plus qu'un simple divertissement et montre, à nouveaux, les idées sociales du réalisateur pleine de liberté et de diversité.
L'île aux Chiens est une ode au grand cinéma, celui qui prend des risques, qui évolue, qui essaye et qui se paye même le luxe de réussir. Une nouvelle livraison de Wes Anderson qui ne fait qu'explorer de plus en plus les larges facettes de son univers, unique, original et toujours novateur, rempli de personnages attachants avec une personnalité propre, mais aussi d'un choix de dialogue qui rend le parti prix cohérent et pousse au bout l'idée véhiculée.
On ressort de la salle avec une jolie histoire en tête, l'envie irrésistible d'embrasser son chien et l'impatience de revoir un film de Wes Anderson au cinéma.
PS : dans un genre plus ou moins similaire je conseille l'excellent (et visiblement assez méconnu) The Plague Dogs de Martin Rosen.