De par sa trame minimaliste et son approche dépouillée aux accents contemplatifs, L'Île Nue est une sorte d'OVNI cinématographique totalement immersif pour qui veut l'aborder. Œuvre débarassée des artifices phoniques, les voix des personnages en l’occurrence, le film de Kaneto Shindô demande un vrai et total engagement visuel de la part du spectateur.
Quand ces données sont acceptées il suffit de se laisser guider par cette caméra expressionniste, ce regard dépouillé et naturaliste.
Ici, les regards, les gestes, les déplacements sont le moyen d'expression des personnages. On suit leur quotidien basé sur l'effort, le travail et parfois le réconfort avec une sorte de contemplation touchant au suprême. Les éléments , l'eau et la terre, sont les moyens qu'ont les personnages, dans le cas présent un couple de fermiers et leurs enfants isolés sur une île qu'ils doivent quitter tous les jours dans une barque pour subvenir à leurs besoins vitaux. Le travail de la terre, le transport de l'eau potable, la vente des récoltes durement gagnées sont leurs raisons d'exister.
Passés les éléments narratifs évidents, ce parti-pris d'écriture volontairement minimaliste, on se laisse guider et saisir radicalement par la beauté naturelle de l'image. Œuvrant lentement sur de longs plans séquences de déplacements, sachant s'arrêter là sur une expression, un regard, ici sur un geste, le cinéaste réussit à rendre son œuvre totalement immersive.
Il suffit de se laisser guider par le quotidien de ces petites gens et l'émotion naît naturellement.
Filmé dans un noir et blanc d'une pureté rare et guidé par quelques notes musicales en totale adéquation avec l'univers ambiant, le cinéaste dépeint cette tranche de vie un peu à la manière d'un Jacques Tati, avec ses personnages qui évolue dans un monde qui les intègre, les entoure et parfois les broie, mais fait qu'ils existent et quelque part les rend vivants.
Profondément contemplatif et basé sur l'émotion directe ce film est une œuvre rare d'une grande richesse. Un chef d’œuvre à sa manière.